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pampres et de lierre ; çà et là, en caractères gothiques, des inscriptions qui rappellent celles de son atelier d’autrefois, mais plus graves. La place d’honneur est à la sentence d’Epictète : « Heureux l’homme qui se contente d’un peu moins que ce qu’il a. » Comment pourrait-on ne pas estimer une existence qui, poursuivie toujours en pleine liberté, aboutit à cette philosophie d’une sérénité si stoïcienne ?

Mais l’œuvre qu’elle a produite en fait l’éloge mieux que les paroles et mieux que les inscriptions. Elle n’est pas bien volumineuse : Cesare Pascarella est un de ces écrivains sévères pour eux-mêmes qui ne consentent à rien livrer au public dont ils ne soient entièrement satisfaits. Ses cartons sont gonflés de récits de voyage et de dessins ; et pourtant, sauf quelques articles parus dans la Nuova Antologia et quelques sonnets dispersés, son œuvre tient toute en un mince volume. Cette sobriété, cette défiance de soi, rare en tout pays, est plus rare et plus méritoire en Italie que partout ailleurs. Il a commencé par noter, comme Belli, en sonnets isolés, de courtes scènes populaires. Le genre est bon et inépuisable, et Pascarella en tire un excellent parti. Il arrive à graver en un sonnet un trait de caractère avec plus de force même que son maître. Je ne citerai qu’un exemple : Le couteau (Er Cortello). C’est un jeune Romain qui parle :


<poem<Sur le mien, sur la lame qui est tordue, Il y a une lettre gravée avec une fleur. Je l’ai eu de Ninetta, qui est morte, Quand nous avons commencé à nous aimer.

Et quand je lui ai donné mon premier baiser, Elle m’a dit : Si tu dois me faire la douleur De me dire que tu ne te soucies pas de moi, Avant de le dire, plonge-le-moi dans le cœur.

Et depuis le jour que la petite veilleuse Brûle devant sa croix au cimetière, Je le porte avec moi comme un scapulaire.

Et si, le dimanche, je m’en vais faire bamboche, Quoique j’aie bien des amis autour de moi. Mon meilleur ami je l’ai là, dans ma poche. </poem>


Une traduction dissipe la grâce rude de ce sonnet. Elle permet toutefois encore de sentir ce qu’il y a de beauté pittoresque dans ce brusque passage du souvenir triste que le Romain garde de sa