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petite réforme. Les réformes sont toujours pour l’année prochaine. La Chambre ne change donc rien, si ce n’est les ministères ; mais elle en fait une si abondante consommation qu’en une seule année elle en a déjà vu quatre. D’abord celui de M. Méline, qui était là au moment des élections, et que le parti progressiste a laissé si maladroitement s’en aller. Puis celui de M. Brisson, qui a été le triomphe des radicaux. En troisième lieu celui de M. Charles Dupuy, qui a occupé la place vaille que vaille, sans programme et sans politique, et dont on n’a su que dire jusqu’au jour où il est tombé : alors, tout le monde en a dit du mal. Enfin celui de M. Waldeck-Rousseau. Que de changemens en douze mois ! Mais tant de changemens dans les personnes n’en ont produit aucun dans les choses. Sur les questions fondamentales qui sont posées depuis plusieurs années, tous les gouvernemens qui se sont succédé ont imité de Conrart le silence prudent. La Chambre n’a pas été moins silencieuse en ce qui touche ces questions : en revanche, elle est devenue, en toute autre matière, si bruyante et si tumultueuse, qu’on ne s’y entend plus et qu’il est presque impossible d’y parler. La machine grince, crie, crache, et d’ailleurs ne produit rien. Tous les partis en souffrent, mais, de tous, celui qui a perdu davantage est certainement le parti modéré ou progressiste, qui, n’ayant pas su reconnaître ses chefs ou s’en étant dégoûté, est devenu pour les radicaux et pour les socialistes une proie facile. Il y a là un très grand danger. M. Méline, dans un banquet qui lui a été offert par le haut commerce parisien, l’a dénoncé avec prévoyance et tristesse, en disant que nous nous acheminions vers le point où est aujourd’hui la Belgique. Et quel mal sévit actuellement sur un pays aussi bien doué du côté de l’intelligence et du caractère ? Il n’est autre que la disparition du parti libéral et modéré. Depuis lors, la Belgique n’a plus que deux partis, le parti catholique qui s’est installé au pouvoir il y a une quinzaine d’années, et le parti socialiste dont les forces augmentent tous les jours. Il n’y a plus en face l’un de l’autre que deux groupes extrêmes, sans tampon intermédiaire pour modérer les chocs trop violens, sans refuge où le pays pourrait trouver un jour quelque sécurité ou quelque repos. La disparition du parti libéral a été un immense malheur pour nos voisins, comme il le serait pour nous. Voyons un peu ce qui se passe chez eux.


Les scandales de la Chambre belge, scandales sans précédons, ont fait tant de bruit que, pendant quelques jours, ils ont accaparé toute l’attention. Ceux qui n’étaient pas au fait de ce qui se préparait depuis