très résolu au fond. Il aimait les retraites cachées. En plein Paris, il vivait en reclus. Sans habileté de surface, maladroit même extérieurement, il sondait le dessous des choses, les mystères profonds, et avec quel acharnement sincère !
Il y mettait l’entêtement et la passion des alchimistes en quête de l’or. Il était de ces fureteurs de vérités, insoucieux de l’orthodoxie, dont autrefois le Saint-Office flairait les laboratoires secrets. De là, peut-être, sa haine de l’Inquisition, haine à laquelle il a consacré les meilleurs de ses pinceaux. Qui ne se souvient de son Auto-da-fé, au moins par la belle lithographie qu’en a faite Mouilleron : à travers les rousses fumées, sous les langues de feu qui les mordent, des patiens, dépouillés du san bénito, se tordent et hurlent. A côté, se débattant sous la griffe d’un moine au museau féroce que le lourd capuchon de bure coupe en sautoir, une femme, jeune encore, se roidit, effarée devant la mort, dans une suprême convulsion de terreur. Le peintre, ici, inspire l’horreur tragique, non par le délire d’Eugène Delacroix, non par l’habile mise en scène de Delaroche, mais en fouillant le fond de son sujet avec la patiente énergie d’un puritain. Ne semble-t-il pas qu’il se venge, là, d’un grief de famille, presque personnel, sur les bourreaux de ses frères du XVIe siècle ? Maintenant, regardez, dans un coin tranquille du Luxembourg, son chef-d’œuvre, le Colloque de Poissy.
Nul tapage ! n’est-ce pas ? Recueillez-vous devant cette œuvre si peu prétentieuse d’apparence, si intense pourtant ; insensiblement l’émotion va vous envahir... Tout fermente sous ce calme apparent, précurseur d’un des plus tragiques orages de l’histoire. Dans cette scène si peu mouvementée, le fanatisme, on le devine, est chauffé à blanc. Des têtes stoïques ; d’autres que la haine crispe sous le masque froid de la diplomatie ; et l’astucieuse cruauté du jeune loup qui s’appelait Charles IX ; et l’impénétrabilité de la reine ; et l’errante rêverie distraite sur le visage de la jeune princesse immobile. Quelle intelligence de grand artiste a su, l’une à l’autre, opposer tant de passions mortelles et contenues !
Je me souviens qu’en 1837, à l’âge de soixante ans, Robert Fleury obtint un nouveau succès avec un Charles-Quint au couvent de Yust. Il apparut là plus clair, plus riche de couleur, plus libre d’exécution ; infatigable chercheur de qualités nouvelles. Il est en ce moment trop négligé ; il y a cependant dans ses toiles quelque chose d’éternel qui éclatera lorsqu’il aura pris sa