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Les capitalistes, découragés par les pertes qu’ils avaient subies dans les placemens en actions d’entreprises de toute sorte, compagnies d’assurances, banques, industries diverses, ne voulurent plus entendre parler que de valeurs à revenu fixe, rentes d’Etat, obligations de chemins de fer : de là une hausse excessive des fonds publics et l’abaissement, qui a persisté pendant plusieurs années, du revenu fourni par ceux-ci. Ce fut l’époque des conversions, qui mettaient les rentiers dans l’alternative de recevoir le remboursement de leur capital, ou de se contenter d’un rendement diminué. C’est la période où le 5 pour 100 français fut converti d’abord en 4 et demi, puis en 3 et demi pour 100 ; où le 3 pour 100 anglais devint un 2 trois quarts, destiné lui-même à se transformer automatiquement en 2 et demi pour 100 au commencement du XXe siècle. C’est celle où nos grandes compagnies de chemins de fer commencèrent à émettre des obligations 2 et demi, et où celles d’entre elles qui ne s’étaient pas expressément réservé la faculté de convertir leurs titres 3 pour 100 le regrettaient. L’Etat lui-même songeait à créer une rente 2 et demi, et, en attendant qu’il le fît pour un emprunt direct, donnait sa garantie à des emprunts de ce type contractés par Madagascar, par les protectorats de l’Annam et du Tonkin. La Russie, après avoir, grâce au concours des marchés français, réduit de 5 à 4 pour 100 le taux d’intérêt qu’elle paie à ses créanciers, émettait à Paris un 3 et demi, puis un 3 pour 100, avec le secret espoir de ramener au moins au premier de ces deux taux l’étalon de son crédit. Les taux d’escompte des grandes banques d’émission tombaient au niveau le plus bas, 2 pour 100 en France et en Angleterre, 3 pour 100 en Allemagne, 2 et demi en Belgique. L’année 1895 marque à cet égard le point extrême de la courbe. Mais, à partir de ce moment, le réveil des affaires se manifeste. Ici même[1], nous avons montré comment, d’année en année, l’Allemagne avait développé son commerce, son industrie, sa banque ; nous avons rassemblé les chiffres susceptibles de donner une idée de cette progression : recettes des chemins de fer, volume du commerce, statistiques de la métallurgie. Nous avons exposé les résultats obtenus par ses fabricans de produits chimiques, qui ont dépassé tous leurs concurrens étrangers, par ses électriciens, qui ont réussi à créer de puissantes sociétés, groupant autour

  1. Voyez, dans la Revue des 15 novembre 1897 et 15 avril 1898, les Marchés financiers de l’Allemagne, le Commerce allemand.