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descendre pas à pas du haut du ciel vers l’horizon qui peu à peu rougeoie. Ce coucher du soleil est un des plus beaux que j’aie vus, dans la solennelle majesté des grandes étendues du ciel et de la terre, dans l’absolu silence des choses, dont on a la sensation précise en entendant les pas sourds des chameaux, et dans la féerie des chaudes couleurs étalées par larges placages sur le ciel immense, que rien ne dérobe à la vue. L’horizon est une ligne prodigieusement noire sur les fonds rouges vifs et se découpe avec la netteté d’un bord de brasier. Plus haut les rouges passent aux cuivres, aux orangés, aux jaunes d’or, aux verts mordorés, aux verts pâlis, si pâles et si profonds, où les étoiles s’essayent à briller toutes blanches ; et rapidement ces verts pâles envahissent, noient dans leur teinte phosphorescente tout l’horizon du Couchant ; les étoiles s’allument plus nombreuses et plus brillantes, tandis que la terre s’étend plus noire, endormie maintenant, et que la chaleur sort du sol et monte vers l’espace en bouffées étouffantes.

A un moment, le guide, qui scrute du regard l’obscurité transparente de la nuit, nous arrête. Il y a là une petite pyramide de galets, haute d’un demi-mètre. C’est El-Oucif, notre lieu d’étape pour ce soir. Cette pyramide a été élevée sur le cadavre d’un nègre, mort jadis ici de chaleur et de soif, par une journée comme celle d’aujourd’hui, dans ce désert de pierres, essayant peut-être d’atteindre le lac fantastique que je voyais tout à l’heure.

Et c’est là que nous campons, en ce lieu quelconque de l’étendue immense, à côté de ce mort dont l’âme sommeille sous ces cailloux surchauffés.

Nous absorbons des quantités énormes d’eau atrocement tiède, sentant la magnésie et qui ne désaltère point, et l’on s’étend dans les chaudes effluves de la terre.


4 Octobre.

Je m’habille en Arabe : haïk de soie transparente, burnous de laine d’une éblouissante blancheur, voiles flottans retenus autour de la tête par une corde en poils de chameaux, bottes de cuir rouge. Et, pour compléter ce tableau d’orientalisme, je monte Messaoud, avec sa haute selle et ses étriers de métal ajouré. On se sent conquérant, sur la fière et noble bête, à qui le sol dur a rendu toute sa force et toute sa fougue.

Ce costume arabe protège merveilleusement contre la chaleur du jour et le froid de la nuit ; il empêche surtout la brûlure de la