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non sans présenter de son côté quelques réserves sur les exagérations d’une polémique impitoyable à l’adversaire.

Hommes ou femmes, ses contradicteurs de bonne foi ne sauraient refuser à notre auteur une pensée originale et pénétrante, un esprit mordant, un style brillant et pittoresque. Attachons-nous donc à marquer les lignes principales en cette railleuse physionomie, dont les traits restent profondément germaniques, mais qui doit peut-être à son origine scandinave quelque chose de français dans son expression ordinaire, et dont les écrits sont parmi les plus abordables aux esprits latins que la littérature morale de l’Allemagne ait produits depuis des années.


I

Avant tout, et il est bon de le répéter, c’est le mot de réaction qui résume le mieux l’activité littéraire de Mme Marholm. Or une réaction a toujours des conséquences utiles et saines : car elle naît d’un excès, et son premier soin est de signaler des abus. Mais, d’ordinaire aussi, la réaction dépasse le but, exagère à son tour, et risque d’arrêter les progrès qui ont été réalisés dans le sens opposé. Il faut donc prêter attention et déférence aux argumens de notre auteur, mais conserver son sang-froid et ne pas se laisser entraîner à sa suite à des conclusions trop osées. Pour employer des expressions hégéliennes qui ne paraîtront pas déplacées en pareille matière, si le féminisme est une thèse, la religion de l’instinct prêchée par Mme Marholm est l’antithèse : c’est au bon sens du public qu’il appartient de formuler la synthèse au sein de laquelle se concilieront les excès contradictoires des deux doctrines rivales.

Remarquons-le aussi : les traits dont nous chercherons à former une silhouette d’ensemble sont fort dispersés dans les œuvres de Mme Marholm, qui ne se pique pas d’une composition rigoureuse, et obéit d’ordinaire à sa fantaisie. Efforçons-nous cependant à rassembler de notre mieux les élémens épars de son portrait moral, et signalons d’abord celui qui frappe au premier coup d’œil.

Ce trait dominant, c’est la passion de la psychologie. Mme Marholm se plaît à interroger les âmes et les livres, à demander aux conversations fugitives comme aux écrits longuement apprêtés le secret des consciences. Elle sait arracher ce secret des retraites