distinguée à temps par un brave et vigoureux propriétaire, amateur de bon vin, un peu rabelaisien dans ses propos, — la dernière phrase du livre suffirait à en témoigner, — mais, au demeurant, honnête et fidèle. Nous assistons aux embarras comiques du jeune ménage en présence des caprices de son premier bébé : à quelques légères disputes, terminées par de franches réconciliations. Enfin, nous avons un aperçu du genre d’éducation qui est donné aux deux garçons issus de cette heureuse union. Ces robustes gamins gardent les vaches paternelles, tête nue et jambes nues sous le soleil d’automne, tandis qu’une compagne de la jeunesse de Lily, qui a épousé un vieux magistrat citadin, traverse tout à point ce décor rustique pour nous offrir le contraste de sa santé délabrée, de ses enfants chétifs et sans jeunesse.
Il est un sentiment qui éclate à toutes les pages de ce récit.
Mme Marholm se montre véritablement pour nous autres hommes d’une indulgence inépuisable. L’époux de Lily, excellent au fond, est un peu bien sans gêne, personnel et dominant : sa femme le lui reproche en termes amers, mais l’on sent parfaitement que l’auteur est tout acquise au mari, et qu’elle voit dans ses façons cavalières la condition nécessaire à la prospérité d’un bon ménage. Elle a aussi un délicat et profond chapitre sur un de ses thèmes favoris : cette terreur de la mort, qui, chez la femme heureuse ou qui aspire à l’être, n’est qu’une soif déguisée des satisfactions légitimes que la vie lui doit encore.
Qu’était-ce donc ?[1] est un récit plus original. Une jeune fille, journaliste et critique théâtral, Lonna, qui souffre de son isolement moral dans la banale pension de famille où elle vit, se laisse peu à peu gagner le cœur par l’humble passion qu’elle devine chez un jeune étudiant danois à l’extérieur étrange. Joessing est une organisation extrêmement nerveuse, un musicien éminent, et un sujet merveilleux pour les expériences hypnotiques, auxquelles il a le tort de se prêter, car elles font de lui un bouffon aux mains de quelques farceurs sans scrupules. Repoussée d’abord par cette passivité maladive qui fait le fond du caractère de son adorateur, Lonna se laisse enfin séduire par cet amour muet, humble, et dissimulé aux yeux de tous, avec une soumission d’esclave. — Mais, par un revirement inattendu, et peu expliqué en somme, le bizarre étudiant, après avoir quitté la jeune fille, pour aller demander à ses parens la permission de se consacrer entièrement à elle, lui
- ↑ Zwei Frauenerlebnisse.