Page:Revue des Deux Mondes - 1899 - tome 154.djvu/945

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

dans la peinture au pastel, où d’ailleurs elle paraît avoir, d’emblée, brillamment réussi, car en apercevant son œuvre de début, le peintre Crespi s’écria que, depuis la mort du Guide, aucun homme n’était plus digne d’avoir dans son lit une femme aussi bien douée pour le dessin et pour la couleur.

C’est en qualité de miniaturiste que la Rosalba, dès 1704, se voit honorée de commandes par tous les princes de l’Europe. Maximilien II de Bavière, chassé de ses États après le désastre de Hochstœdt, lui demande de faire pour lui les portraits des douze plus belles dames de Venise, dont « la vue l’aidera à supporter les peines de l’exil. » Plus tard, le duc de Mecklembourg et l’électeur Palatin posent devant elle ; et le duc de Mecklembourg, ardent mélomane, joue avec elle des duos de viole et de clavecin. L’Électeur, de son côté, lui propose de venir s’installer à sa cour ; et peu s’en faut que la Rosalba ne se décide à accepter sa proposition. Du moins promet-elle au prince de peindre pour lui, de Venise, les portraits des plus belles jeunes femmes de la ville. Cette série de portraits des douze beautés vénitiennes lui est commandée de nouveau, en 1709, par Frédéric IV, roi de Danemark et de Norvège ; cette fois elle en peint une partie au pastel, mais non sans s’excuser de son peu d’expérience, « le continuel emploi de la miniature ne lui ayant pas laissé le loisir de se perfectionner dans ce genre. » De 1712 à 1717, durant ses trois séjours à Venise, le prince Auguste de Saxe, le futur roi de Pologne, la prie de peindre pour lui les portraits des dames qui lui ont accordé leurs faveurs. Mais de toutes les relations de la Rosalba avec des amateurs d’au de la des Alpes, les plus intéressantes pour nous sont celles qu’elle a eues avec Crozat, et qui ont abouti à son voyage à Paris.

Pierre Crozat, le collectionneur, parcourait l’Italie, en 1716, à la recherche de tableaux et de pierres gravées, lorsqu’il fit connaissance de la Rosalba. Tout de suite il se lia si étroitement d’amitié avec elle, qu’aux pastels qu’il lui commanda l’artiste joignit, en cadeau, son propre portrait. «Vous ne pouviez, lui répondit Crozat le 22 décembre 1716, me faire plus de plaisir que vous m’en avez fait en me faisant ce présent. Je n’ai jamais été si fâché que je le suis de n’avoir aucun talent pour vous le rendre. Parmi tous nos peintres je ne connais que M. Watteau capable de pouvoir faire quelque ouvrage à pouvoir vous être présenté. C’est un jeune homme chez qui je menai il sig. Sébastien Rizzi. S’il