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III

Pour augurer du trafic des chemins de fer chinois, nous n’avons pas besoin de nous placer dans le champ des pures hypothèses ; nous pouvons au contraire appuyer dès aujourd’hui nos prévisions sur des données certaines, et tout d’abord sur les résultats rémunérateurs de l’exploitation du réseau qui existe déjà dans la province du Petchili. La plupart des voies concédées traversent des pays au moins aussi peuplés, aussi riches et aussi commerçans, que la ligne de Tientsin à Pékin, et très supérieurs à ceux que dessert celle de Tientsin à Shanhaï-Kwan. La rapidité avec laquelle les Chinois se sont mis à employer le nouvel instrument de transport démontre que, si la routine est trop forte chez eux pour les porter à introduire d’eux-mêmes en leur pays les diverses inventions de l’Europe, elle ne résiste pas longtemps, une fois que ces inventions ont été mises à leur portée, à l’actif esprit de négoce qui les conduit à se servir de toutes les facilités offertes au commerce. C’est là une disposition qu’on remarque partout où ils se trouvent en contact avec les divers perfectionnemens matériels qu’apporte à sa suite la civilisation de l’Occident, dans tous les ports ouverts, en tous les points où font escale des bateaux à vapeur.

L’exemple de l’Inde et du Japon, pays qu’on peut mieux comparer à la Chine que les contrées européennes, est aussi des plus encourageans. Les 3 685 kilomètres de chemins de fer japonais en exploitation au 31 mars 1896 avaient coûté 116 millions de yen[1] ; leurs recettes brutes s’élevaient à 18 786 000 yen ; leurs dépenses à 7 663 000 yen ; le produit net était donc de 11 123 000 yen, soit près de 10 pour 100 du capital. Au taux actuel du change, la recette brute kilométrique était de 12 800 francs ; la dépense d’exploitation de 5 200 francs seulement. Dans l’Inde nous trouvons des

  1. Nous ne pouvons traduire ce chiffre en francs. Les constructions de chemins de fer ont commencé à prendre quelque extension au Japon il y a une douzaine d’années, alors que le yen-monnaie d’argent valait encore plus de 4 francs. Transformé en monnaie d’or, il est fixé depuis 1897, à 2 fr.59, cours autour duquel il oscillait depuis 1893, sans grande variation. Il résulte évidemment de cette baisse du change que, la valeur moyenne exprimée en or du yen qui a servi à solder les dépenses de construction étant supérieure à la valeur actuelle de cette monnaie, le revenu traduit en or des chemins de fer japonais n’est plus de 10 p. 100, mais tombe probablement aux environs de 8, chiffre encore fort rémunérateur. C’est ce revenu or qui intéresse les capitaux européens employés à l’extérieur.