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attaque les uns et épargne les autres, et enfin au point de vue de sa disparition subite et de sa guérison presque instantanée. À ces désordres nerveux s’ajoutent des troubles circulatoires ; les battemens du cœur s’accélèrent comme dans la fièvre ou davantage. M. Lortet par exemple, à Chamonix, constatait 64 pulsations à la minute ; au sommet du mont Blanc, 172. Quant aux phénomènes respiratoires, on les décrit différemment. La plupart des ascensionnistes ont éprouvé une oppression plus ou moins angoissante, une respiration précipitée et superficielle, une véritable dyspnée. A. Mosso a observé, au contraire, un ralentissement respiratoire avec repos intercalaires.

Quoi qu’il en soit, il s’agit d’une affection universelle qui a été constatée sous toutes les latitudes, dans l’Amérique du Sud, au Caucase, dans l’Arménie, dans l’Himalaya, dans les Pyrénées et dans les Alpes. C’est sur l’explication de ces accidens que l’on cesse de s’entendre. Paul Bert a rendu infiniment vraisemblable que la cause première de ces désordres réside dans une diminution de l’oxygène du sang par suite de la dépression barométrique. M. A. Mosso, au contraire, a soutenu récemment qu’ils reconnaissaient pour cause la diminution de l’acide carbonique contenu dans le sang, c’est-à-dire l’acapnie. Il y a bien des chances pour que cette contradiction cache une confusion. Elle s’applique sans doute à des phénomènes différens, et il y aurait deux espèces de mal des montagnes.

Les symptômes du mal que Bert avec la plupart des observateurs attribuaient à l’altitude ne sont pas les mêmes que ceux dont parle Mosso : pour celui-ci il y a un ralentissement de la respiration avec pauses ; pour la majorité, au contraire, il y a un état dyspnéique. Le mal ordinaire cède au repos ou tout au moins se calme sous son influence. Pour Mosso, c’est au contraire pendant le repos absolu que les phénomènes s’aggravent. Enfin, les analyses de Paul Bert aux diverses altitudes montrent incontestablement une forte diminution d’oxygène et une faible décroissance de l’acide carbonique. Celles de Mosso conduisent à des conclusions opposées. On ne peut douter qu’il y ait ici un malentendu que nous prendrions la peine d’expliquer à nos lecteurs si nous ne nous rappelions qu’il n’y a vraisemblablement parmi eux qu’un nombre très restreint de physiologistes qu’un tel examen critique serait susceptible d’intéresser.


A. Dastre.