aux multitudes grossières et amollies que leurs religions, leur gouvernement et le climat rendent inertes. Partout, et là surtout, les yeux des hommes semblent moins faits pour la lumière que pour les larmes. Veut-on prendre contact avec la multitude, il faut prendre contact avec la douleur. C’est ce que le catholicisme a fait par ses œuvres de miséricorde. L’homme n’eût pas suffi à les accomplir, le catholicisme a appelé la femme. Elle a montré sa puissance, et sur le domaine de la souffrance, établi sa royauté. Comme l’enseignement, la charité catholique a été pour les autres religions un exemple et elles se sont essayées à le suivre. Les musulmans, qui n’ont aucune habitude de régularité, ni de prévoyance, et qui ont caché et détruit les vertus naturelles de la femme dans le huis-clos du harem, ne pouvaient produire que des institutions mort-nées. Les Eglises arménienne et orthodoxe ont épuisé leur effort en quelques rares fondations. La présence de femmes qui vivent sous une règle religieuse assure à ces œuvres le principal élément d’ordre et d’efficacité. Mais, outre la rareté des vocations, quelles chaînes invisibles chargent les ailes de cette charité ! Ces femmes ont les vertus principales de leur état, la modestie, la douceur, une tendresse mystique pour les maux de l’humanité, mais si rien ne manque aux mérites de leur conscience, beaucoup manque à l’efficacité de leur action. Il y a je ne sais quoi de passif, de craintif, de subalterne dans leurs vertus : elles semblent plus servantes que sœurs. Elles soignent les corps, on dirait qu’elles n’osent pas soigner les âmes. Elles ne sont pas faites pour imposer cette obéissance et obtenir cet abandon si nécessaires et si doux à ceux qui souffrent, pour représenter la Providence, non seulement dans sa bonté, mais dans son autorité. Les protestans enfin, bien que les plus actifs, n’ont pas donné aux fondations de bienfaisance une place digne d’eux. La libéralité de leur nature n’a-t-elle pas été paralysée par la nature de leur religion ? La réforme est née raisonneuse et vit par un esprit de discussion, par suite par des opérations d’intelligence, par suite est un culte d’aristocratie : pour toutes ces raisons, elle est portée à perfectionner avant tout, à perpétuer dans une élite l’aristocratie de l’intelligence par l’enseignement. Quand son génie argumentateur entend l’appel de la pitié, l’absence d’ordres religieux paralyse sa bonne volonté. Quelques congrégations de diaconesses sont tout ce que la réforme possède de force monastique. L’exaltation du « moi, » qui est la philosophie de ce culte, rend
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