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nous sentons que celui-ci la traite avec plus de mauvaise humeur. Il s’impatiente, il s’énerve ; et la pauvre fille l’agace avec ses continuelles promesses, qui aboutissent toujours à de nouveaux déboires. Clémentine, d’abord, le laisse crier sans en trop souffrir. « Du courage, lui écrit-elle le 12 fructidor, il faut bien sacrifier le bien particulier au bien général ! » Le lendemain : « Je ne vous dis pas : prenez patience ! Vous avez besoin de vous impatienter beaucoup. Il faut jurer, pester tant que vous pourrez : cela soulage et je vous y engage fort, dussiez-vous même exercer votre impatience contre moi. Je le désire, pour peu que vous soyez un peu consolé ! »

Mais bientôt les reproches de son ami lui vont plus au cœur. C’est alors qu’elle se plaint du mot, bien dur en effet : « Quand vous me laissez en prison ! » Quelques jours après, l’accueil qu’elle reçoit de son ami la fait « se trouver mal. » Castellane ne lui a-t-il pas déclaré que tout le monde, au Plessis, se moquait de lui, pour la façon dont il prenait au sérieux ses incessantes promesses ! « Mais mon cœur peut-il se repentir de vous avoir procuré un instant de satisfaction ? Non, non, petit frère, je consens à mériter les épithètes même les plus désagréables, dès que cela peut vous procurer des instans de douceur. Adieu, je vous embrasse de toute mon âme. »

Hélas ! les « épithètes désagréables » devaient se multiplier, et le ton désolé des réponses de Clémentine prouve assez combien elle disait vrai en affirmant à son ami qu’elle avait le « cœur ulcéré. » Elle continuait, cependant, à tout supporter, se bornant à se défendre parfois contre des accusations par trop imméritées. Et elle continuait à se dépenser tout entière au service de Castellane : et elle continuait à lui faire, de jour en jour, des promesses qui, nous devons bien l’avouer, auraient exaspéré la patience d’un saint. Pas une de ses lettres qui n’annonce la mise en liberté pour le soir, ou le lendemain : « Si vous ne sortez pas aujourd’hui, lui écrivait-elle le 20 thermidor, il faudra que le diable s’en mêle ! » Et, deux mois après, elle lui écrit encore : « Je n’hésite pas à vous annoncer que j’espère vous aller chercher cette nuit. » On comprend que les compagnons de Castellane se soient moqués de lui, à le voir sans cesse nourri d’aussi vaines espérances.

Il y a là une situation à la fois comique et touchante, et qui s’accentue encore dans l’épilogue du petit roman. Ou plutôt cet