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épidémies s’étendent, se diffusent, et se reproduisent par la même opération par laquelle les êtres vivans eux-mêmes se multiplient, se disséminent et se reproduisent, c’est-à-dire par le mécanisme de la génération ; et cela, parce que l’agent infectieux est un être vivant. Celui qui produit la peste est un microbe découvert, il y a quelques années, par M. Yersin. L’idée de rapprocher la propagation d’une maladie de la pullulation d’une espèce vivante, s’était présentée à quelques esprits. La multiplication rapide d’animaux très féconds fournit la seule image intelligible de l’envahissement progressif d’une contrée par une épidémie comme la peste. Un petit nombre de sa van s l’avaient compris. Au commencement du XVIIIe siècle, le médecin lyonnais J.-B. Goffîon pensait que la peste était due « à des vers ou petits corps animés, qui sont à la mite ce que la mite est à l’éléphant. » Déjà, au milieu du XVIIe siècle, un jésuite célèbre par l’universalité de ses connaissances et la hardiesse de ses imaginations, le Père A. Kircher, avait annoncé que la propagation du terrible fléau se faisait par la multiplication d’un parasite vivant, d’un animalcule qu’il essaya de trouver dans le liquide qui gorge les bubons. Cet animalcule s’y trouvait bien ; en effet ; mais il fallait pour l’y découvrir des instrumens autrement délicats que ceux dont disposait le savant jésuite.

Lorsque éclata, en 1894, la peste de Hong-Kong, l’Institut Pasteur délégua l’un de ses membres, M. Yersin, pour on étudier le développement et les particularités. M. Yersin s’était déjà signalé par des recherches faites en collaboration avec M. Roux sur le poison de la diphtérie. Persuadé que le germe morbide devait se trouver dans les bubons qui constituent la manifestation caractéristique de la maladie, il en étudia avec soin le contenu. Il y découvrit le microbe spécifique. C’est un micro-organisme remarquable par son polymorphisme, c’est-à-dire par la variété de ses formes ; tantôt allongé en bâtonnet (bacille) dans les milieux de culture solide, tantôt arrondi en grains isolés dans les milieux liquides (coccus) ou réunis en chaînes (streptocoques). Il ne se distingue, en aucune façon, par son aspect, ni par ses aptitudes à s’imprégner des réactifs colorans ; il se révèle seulement par ses modes d’activité.

Ce bacille se montre particulièrement virulent pour les rongeurs et surtout pour les souris et les rats. M. Mahé, médecin sanitaire à Constantinople, avait signalé la grande