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l’épidémie de 1894 à Canton, le seul gardien de la porte de l’Ouest fît ramasser 22 000 rats crevés, qui furent enfouis hors de la ville. Le fait est certifié par le docteur Rennie, médecin des douanes chinoises.

Cette mortalité annonce l’invasion imminente du fléau ; il serait plus exact de dire qu’elle en est la première manifestation. Les indigènes, dans les vallées de l’Himalaya et dans l’Yunnan en connaissent bien la signification redoutable. Ils abandonnent aussitôt leurs habitations pour fuir le fléau.

Les cadavres de ces animaux, dispersés partout, deviennent l’instrument le plus efficace de dissémination pour le bacille de la peste. On comprend maintenant pourquoi, lors des grandes épidémies, la maladie éclate simultanément avec une intensité extraordinaire sur un grand nombre de points. La contagion directe d’homme à homme n’expliquerait pas une poussée si soudaine. L’homme malade dissémine les germes infectieux, dans un faible rayon autour de lui : il infeste une chambre. Les rongeurs, les rats surtout, animaux mobiles, agités, nomades, disséminent les bacilles à grande distance ; ils infestent la cave et le grenier, les égouts et, en quelque sorte, tout le sous-sol de la ville. C’est une peste souterraine, universelle, qui prépare les explosions des grandes épidémies.

Quant au mécanisme par lequel les rats et les souris se contagionnent les uns les autres, il est le même que pour les hommes. Ces rongeurs, en effet, hébergent dans leur pelage des insectes parasites très nombreux. Les puces y pullulent. Dès que l’animal est frappé, elles s’enfuient dans tous les sens et cherchent un autre gîte. Elles dispersent ainsi les germes du mal et les distribuent aux animaux encore indemnes.

M. Netter se demande si elles se réfugient sur l’homme et lui communiquent l’infection. A la vérité, chaque espèce a ses parasites, et les hôtes du rat, de la souris, du chien, ne sont pas ceux de l’homme. Mais, les chasseurs savent bien que, si les puces du chien ne s’attachent pas d’une façon définitive à l’homme, elles peuvent en être les hôtes passagers. Il est donc possible que les puces, qui se sauvent du rat pestiféré, séjournent sur l’homme assez longtemps pour lui transmettre le mal.

Les habitans des villes contaminées par la peste prétendent que l’homme qui touche un rat pestiféré, pendant qu’il est encore chaud, est un homme perdu. Les employés préposés au nettoyage