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Londres, et je ne doute pas que nos collègues ne partagent cette opinion et n’aident à ce que cela soit ainsi. Ma position serait extrêmement fausse à Londres, soit que j’y arrive ou que j’y reste sous cette impudente attaque, soit qu’elle ne s’y discute que lorsque j’y serai en regard du public anglais qui en suivrait comme moi les développemens, lesquels pourraient par impossible être tels qu’ils nécessitassent ma présence. J’ai fait et je ne me lasserai pas de faire jusqu’au bout la plus complète abnégation de moi-même tant que cela sera utile le moins du monde au gouvernement, à mes anciens collègues surtout. Mais s’il arrivait qu’on poussât le crime jusqu’à alléguer des faits ou des actes faux, comme il paraît qu’on a voulu le faire dans l’affaire Louvel, et que je pusse seul prouver le mensonge et la calomnie, il faudrait bien que je coupasse court à ces trames d’iniquité. »

Sur ces entrefaites, la loi des élections était discutée et votée dans les deux Chambres, au milieu d’une agitation générale, aggravée par des émeutes et de retentissans procès de presse. L’attitude qu’observa dans cette discussion le beau-père, de Decazes, le comte de Sainte-Aulaire, déplut au roi, qui ne le trouvait pas assez ministériel et lui en gardait rancune. Tandis que Decazes s’apprêtait à quitter la Grave, lui arrivèrent, dans une lettre, des preuves du mécontentement de Louis XVIII, qui blâmait du même coup qu’il eût écrit au duc de Richelieu pour se plaindre des changemens apportés dans la loi électorale.

« Votre lettre, mon cher duc, m’apprend que vous avez écrit au duc de Richelieu. Je ne doute pas que vous ne l’ayez fait avec tous les ménagemens possibles. Mais quelque forme qu’on emploie, il est rare qu’un homme ne se sente pas un peu blessé quand on combat son opinion. C’est sans doute la cause du silence que le duc de Richelieu a gardé vis-à-vis de moi, que je trouve fort simple, et de celui qu’il observe à votre égard, qui m’afflige beaucoup. Je n’ai aucune connaissance de la lettre aigre de Pasquier à M. de Sainte-Aulaire. Celui qui l’a écrite ne m’en a point parlé ; celui qui l’a reçue n’a eu garde de venir me la montrer. Je l’ai vu une fois à son retour. Depuis ce temps-là, il a trop d’esprit pour ne pas juger en son for intérieur de la peine profonde que sa conduite me cause. »

À la veille de son retour à Paris, Decazes, en raison de ces incidens, aurait pu craindre de trouver le roi refroidi à son égard s’il n’eût été déjà rassuré par cette réponse à ses précédens