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garanties, pour le justiciable, contre les entraînemens ou les défaillances du juge, contre ses colères ou ses complaisances, soit encore, et tout bonnement, dans le choix du juge.


IV

Or, il n’y a guère que deux manières de choisir les juges : la nomination par le gouvernement ou l’élection par le peuple ; et si l’une et l’autre a ses avantages, l’une et l’autre également a ses inconvéniens : laquelle donc présente le plus d’avantages ou le moins d’inconvéniens ? Les vices de l’élection sont publics, ils s’étalent, et le spectacle de ce qu’elle donne dans l’ordre politique n’est pas fait pour encourager à l’introduire dans l’ordre judidiciaire. Ici, je ne veux pas dire que les résultats seraient pires encore, les produits plus défectueux, les conséquences plus funestes ; mais, à coup sûr, ils seraient aussi mauvais, et nous serions doublement à plaindre quand à l’ignorance, au manque de préparation, à la médiocrité du législateur seraient venus s’ajouter l’ignorance, le manque de préparation, la médiocrité du juge. Et cependant c’est une fatalité contre laquelle il n’y a pas à s’insurger, c’est, pour employer un mot peut-être un peu ambitieux, une loi contre laquelle il n’y a pas à récriminer, que le suffrage universel débridé, abandonné à lui-même, glissant de toute sa force et à toute vitesse sur sa pente naturelle, abaisse et rase tout ce qu’il touche. Il en serait, avec l’élection, du juge comme du législateur. Et si d’aventure il se trouvait, comme il s’en trouve quelques-uns dans les élections politiques, certains candidats qui dédaigneraient certaines pratiques et se refuseraient à certaines compromissions, comme les autres, ceux-ci ne seraient point élus. Ici, du reste comme ailleurs, le mal de l’élection s’aggraverait et s’exaspérerait des maux de la réélection ; ce serait, à chaque renouvellement de mandat, une surenchère, et, plus le terme des mandats serait court, plus les risques et le péril augmenteraient.

Et puis pour finir par quoi ? Par établir, ayant déjà une législation de parti, une justice de parti, c’est-à-dire encore par doubler le poids du joug que sont contraintes à porter les minorités du moment, et par leur couper le dernier accès qu’elles puissent avoir à la vraie justice. Mais, en outre, à quelles extrémités ne serait-on pas conduit et réduit, si la majorité, — ce qui pourrait parfaitement arriver, — dans le même collège électoral ou sur