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dans cette résurrection des idées religieuses, Mme de Staël et Benjamin Constant sont tout nourris de l’esprit protestant. Quatre ans avant le Concordat, Mme de Staël déclare impossible le rétablissement de la religion catholique en France, parce qu’elle est « renversée par la mémoire de la Saint-Barthélémy et des dragonnades. » En bonne calviniste, — c’est ainsi qu’elle s’exprime, — elle propose d’établir une religion d’Etat, qui sera la religion protestante. Plus tard, une des causes de sa haine contre Napoléon, c’est qu’il a trompé ses plus chères espérances en reconnaissant officiellement la religion catholique comme celle « de la majorité des Français. » Mais, à part cela, l’idée de Mme de Staël est bien la même que celle de Bonaparte : il faut rétablir la religion pour restaurer les mœurs et pour affermir l’Etat social.

Donc, Mme de Staël se livre à un plaidoyer en règle en faveur du protestantisme. D’abord, il faut une religion que tous puissent admettre, ignorans et savans. Rien n’est plus « détestable » que cette assertion, qu’une religion est nécessaire pour le peuple. Une erreur ne peut être bonne pour une classe de la société. Mais, pour que cette religion soit acceptée de tous, la première condition est qu’elle ne choque point les principes de la raison, qu’elle réduise le dogme au minimum, qu’elle mette au premier rang la morale ; il faut aussi qu’elle ne rappelle point les souvenirs odieux de la tyrannie. Pour tous ces motifs, dit-elle, nous écarterons la religion catholique ; d’une part, elle s’appuie trop sur la croyance aveugle et les mystères, et, d’autre part, son sort est lié trop intimement à celui de l’ancienne monarchie. Et voilà supprimés d’un trait de plume tout le passé catholique et l’âme de la vieille France !

Mais il est une autre raison encore, toute politique, qui, suivant Mme de Staël, doit décider les républicains à adopter le protestantisme comme religion d’État. Par l’organisation même de leur culte et de ses ministres, par les luttes qu’ils ont soutenues contre les catholiques, les protestans prétendent être les vrais défenseurs de la liberté et de légalité. Leur religion, devenue religion d’Etat, sera la plus formidable machine de guerre que l’on ait encore inventée contre le catholicisme et son alliée la tyrannie. « Je dis aux républicains, écrit Mme de Staël, qu’il n’existe que ce moyen de détruire l’influence de la religion catholique. La classe sans fortune ira dans les églises dont elle ne sera point forcée de payer le ministre. Si vous n’en salariez aucun,