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Page:Revue des Deux Mondes - 1899 - tome 156.djvu/160

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qu’il y a dans l’esprit de celui qui parle et qui écrit. Elles indiquent une voie ; elles aident à y entrer ; elles y dirigent ; à vous d’agir, à vous de marcher[1]. » La raison de cette singulière vitalité ne tient pas seulement aux conditions personnelles de la transmission du vrai : elle tient à la nature de ces vérités assimilées à des choses vivantes. « La science est définitive, la démonstration des vérités morales n’est jamais finie. Leur objet, éternellement le même, est si riche qu’il a toujours de la nouveauté. Les âmes aussi ont toujours des besoins nouveaux en quelque chose. Une formule scientifique peut se répéter indéfiniment, elle est arrêtée, elle est fixée. L’expérience des vérités morales varie ; comme la nature vivante ne se répète jamais absolument et qu’il n’y a pas deux individus identiquement semblables, parce qu’aucun n’épuise le type de l’espèce, ainsi, l’esprit vivant cherche sans cesse de nouvelles formes à la vérité morale, parce qu’aucune ne vaut le modèle. La vie est mouvement : Dieu seul est à la fois vivant et immobile, parce que Dieu seul est parfait[2]. »

Il faut, à vrai dire, nous transporter brusquement à vingt ans de distance, pour trouver dans un ouvrage accueilli récemment avec une rare faveur l’affirmation aussi nette et aussi catégorique d’un devenir introduit au sein des notions morales Seul, en effet, M. Balfour a eu au même degré la conscience vive et profonde de l’instabilité des croyances et de leur fugitive originalité. Soit qu’il nous parle de ces explications théoriques suscitées par les faits et qui exigent un replâtrage perpétuel « pour se tenir en état ; » soit que, plus profondément, le corps plastique des croyances, sous la poussée incessante d’influences extérieures et intérieures, lui paraisse emporter violemment les barrières qui l’ont arrêté pendant quelque temps, pour former, à la sollicitation de la vie, une nouvelle disposition des connaissances, il nous montre, lui aussi, que la certitude est le domaine du changement, et que la mort est un élément aussi nécessaire dans le monde intellectuel que dans le monde organique. Comme M. Ollé-Laprune, et en des termes presque identiques, il constate ce principe d’infinie variété qui est à l’origine, sinon des vérités elles-mêmes, du moins des formes dont nous aimons à

  1. La Certitude morale, chap. VI.
  2. Ibid.