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Page:Revue des Deux Mondes - 1899 - tome 156.djvu/175

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étrangère, une insurrection carliste éclata dans les provinces du nord, au mois d’avril 1872. Don Alphonse, frère de Don Carlos, pénétra en Catalogne. Don Carlos lui-même entra en Navarre le 2 mai et se mit à la tête de ses partisans ; mais, battu quelques jours après à Oroquieta par le général Moriones, il rentra précipitamment en France dès le mois de juin. Les carlistes n’en poursuivirent pas moins la campagne sous le commandement de leurs valeureux chefs Dorregaray, Ollo, Saballs, Tristany, servis par l’anarchie croissante plus encore que par l’habileté de leurs généraux.

Le roi Amédée, dégoûté de l’impuissance à laquelle il était réduit, abdiqua le 10 février 1873, et la république fut proclamée à Madrid. Bientôt après, l’insurrection cantonaliste éclatait dans le midi. L’armée espagnole était en pleine désorganisation. Tous les officiers du corps de l’artillerie et nombre d’autres démissionnaient. Beaucoup passaient aux carlistes. Toutes ces circonstances servaient merveilleusement la cause du prétendant, devenu l’unique champion de l’ordre dans la Péninsule. C’était le moment d’agir vigoureusement. Don Carlos parut le comprendre et rentra en Espagne. Depuis qu’il avait cherché un refuge sur le sol français, à la suite de son échec d’Oroquieta, ce prince ne s’était pas éloigné de la frontière. M. Thiers, qui n : était pas plus sympathique au petit-fils qu’il ne l’avait été au grand-père, avait pris contre lui un arrêté d’expulsion, mais le jeune prétendant comptait de nombreux amis dans les Basses-Pyrénées. Les Basques français lui étaient presque aussi dévoués que les Basques espagnols. Les légitimistes voyaient en lui le représentant des idées qui leur étaient chères, le neveu, par sa mère et par son mariage, du Comte de Chambord. Tout le monde s’entendait pour lui donner asile et pour le dérober aux recherches de la police. Quand il était serré de trop près, un jeune gentilhomme du pays, qui avait l’honneur et l’avantage de lui ressembler beaucoup de visage et de prestance, donnait le change aux agens de la sûreté générale et les entraînait sur une fausse piste. C’est ainsi que le prince avait pu demeurer longtemps caché dans les environs de Bayonne ou de Pau.

Don Carlos rentra en Espagne le 25 juillet 1873. Il rejoignit à Zugarramundi la petite armée carliste commandée par les généraux Valdespina et Lizarraga, et marcha avec elle sur Estella, dont il s’empara. Ce fut la période la plus brillante de sa campagne. Tandis que ses partisans occupaient une partie de la Catalogne et