Page:Revue des Deux Mondes - 1899 - tome 156.djvu/20

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

nous semblions fléchir, ont fait rejeter nos revendications. En vain le gouvernement français admit-il progressivement à peu près toutes les prétentions britanniques : le Foreign office continua de se dérober, sous prétexte que « les garanties offertes pouvaient être retirées[1]. » Le 3 décembre, notre consul étant allé à Nankin pour s’aboucher avec le vice-roi, deux bâtimens anglais, bientôt rejoints par un troisième, vinrent mouiller devant la ville « pour donner un appui moral au vice-roi dans sa résistance aux demandes françaises[2]. » Et l’amiral lord Charles Beresford qui, au cours de sa mission commerciale, se trouvait, comme par hasard, à Nankin, faisait, lui aussi, de son mieux pour démontrer au mandarin « que nos demandes étaient exorbitantes[3] » et pour l’encourager à ne pas céder. « Pressez le gouvernement chinois, télégraphiait lord Salisbury à sir Claude Mac-Donald, le 9 décembre, de refuser l’extension de l’établissement français à Chang-hai, mais d’offrir à la place une augmentation de l’établissement international dans lequel les demandes françaises de terrains pourront trouver satisfaction[4].  » Ainsi, ce que le gouvernement britannique voudrait nous dénier, c’est le droit même de garder notre concession autonome !

Il est triste d’avoir à insister sur cette affaire de Chang-hai : elle révèle un certain affaissement de notre crédit, elle provoque des comparaisons fâcheuses entre notre prestige après Shimonosaki et aujourd’hui. L’enchaînement naturel des événemens a sans doute contribué à ce recul de notre autorité, mais il faut bien dire aussi que les hommes y ont leur part de responsabilité. Le manque de continuité dans la direction supérieure, les changemens trop fréquens du titulaire du poste si difficile de ministre à Pékin, ont contribué à cette diminution passagère de notre influence dans le Céleste Empire. Habiles à exploiter toute fausse manœuvre, nos rivaux surent nous dépeindre aux yeux des Chinois comme les pires des agresseurs, des violateurs de cimetières. Très adroitement, ils surent renverser les rôles : affectant le plus grand zèle pour les intérêts des Fils du Ciel, ils excitèrent les autorités contre nous, protecteurs traditionnels de l’Empire. — Mais il faut bien voir aussi, qu’aujourd’hui moins que jamais,

  1. Lord Salisbury à sir Claude Mac-Donald, 9 décembre 1898. Blue-Book, n° 416.
  2. Le Foreign office à l’Amirauté, 21 décembre. Blue Book, n° 437.
  3. The break-up of China, p. 110.
  4. Blue Book, n° 416. Cf. n° 370, 384, etc.