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Page:Revue des Deux Mondes - 1899 - tome 156.djvu/203

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ailleurs que dans la ville que je lui assignais. En général, leurs qualités militaires paraissaient inférieures à celles de leurs soldats.

Il me souvient d’un lieutenant-colonel de cavalerie qui vint me demander de l’interner à Avignon. « Mais, lui dis-je, je ne puis vous envoyer qu’au nord de la Loire. Pourquoi voulez-vous aller à Avignon ?

— Parce que j’y suis connu et que j’y gagnerai plus facilement ma vie en reprenant mon métier.

— Qui connaissez-vous à Avignon ?

Alors, avec beaucoup de simplicité, l’homme tira de son portefeuille un certificat par lequel M. de X… attestait que le nommé Juan X… était demeuré à son service pendant un an comme cocher et qu’il n’avait eu qu’à se louer de sa probité. Deux ou trois autres certificats analogues étaient joints à cette pièce.

J’envoyai le colonel à Avignon. Sa modestie et sa sincérité méritaient bien cette faveur. Les plus marquans des réfugiés carlistes étaient deux anciens généraux en chef, Lizarraga et Valdespina. Tous deux, par une faveur spéciale, furent autorisés à fixer leur résidence à Saint-Jean-de-Luz.

Lizarraga était un petit homme d’allures modestes, confit en dévotion et cousu à la robe de son aumônier, dont il m’avait supplié de ne pas le séparer. Le marquis de Valdespina, vétéran de la première guerre carliste, ancien compagnon d’armes de Zumalacarregui, n’était plus de la première jeunesse. Très vert encore, il commandait au siège de Bilbao. Sa physionomie respirait l’énergie. Malheureusement il était sourd comme un canon. De temps à autre, il venait me demander l’autorisation de faire quelque excursion à Pau ou à Bordeaux, autorisation que je lui accordais sans la moindre difficulté. Il ne manquait jamais de comprendre tout le contraire de ce que je lui disais, et d’éclater on imprécations contre mon refus, puis de se confondre en salutations et en excuses, lorsque son aide de camp lui avait démontré son erreur.

Quelques jours après l’entrée de Don Carlos en France, je reçus la visite d’un général carliste, qui me pria de lui faire restituer l’épée qu’il avait dû rendre à nos officiers en passant la frontière. Il tenait d’autant plus à cette arme, me dit-il, qu’il l’avait tirée pour la France, ayant servi dans notre armée en 1870, comme général au titre auxiliaire. Je m’empressai de faire droit à sa