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Bergami. C’est le comte Strassoldo, gouverneur autrichien en Lombardie, qui le lui délivre. Metternich averti désavoue son représentant.

« Cette condescendance est d’autant plus inexplicable que le comte Strasoldo est parfaitement au fait de la situation et des rapports dans lesquels se trouve Madame la princesse de Galles et que, pour lui refuser les passeports qu’elle sollicitait, les prétextes ne manquaient pas, puisqu’elle se trouvait établie alors sous une domination étrangère ; puisque, si même elle eût été en Autriche, il n’aurait jamais dû prendre sur lui de lui expédier un passeport sous un nom supposé ; puisque enfin, pour en accorder un à Madame la princesse de Galles, il aurait dû se réserver de prendre, avant tout, les ordres de la Cour[1]. »

Finalement, ordre est donné au gouverneur de Milan de reprendre le passeport, si la princesse n’est pas partie. En même temps, comme on peut craindre qu’il ne soit trop tard « pour réparer les effets de cette imprudence, » le baron de Vincent est invité à prévenir confidentiellement de ce qui s’est passé le gouvernement français et l’ambassadeur de la Grande-Bretagne à Paris, afin qu’ils puissent adopter des mesures à l’effet d’empêcher le voyage de la princesse, qui n’a pu songer à venir en France que dans l’intention de passer à Londres. Pour déjouer ses desseins, il suffira que le passeport de la soi-disant comtesse Oldi ne soit pas visé à la frontière française. Il ne nous a pas été possible de découvrir quelle suite fut donnée à ces ordres. Ce qui est certain, c’est que la princesse ne parut ni à Paris, ni à Londres, en 1819.

Son inconduite avérée, que révéla, avec toutes ses ignominies, le procès de 1820, ne permet guère de prendre sa défense. Si toutefois elle pouvait être excusée, c’est dans les procédés de son mari, dans ses vices, dans les instincts abjects qu’il manifesta dès sa nuit de noces[2] qu’on y trouverait des excuses. On n’avait plus guère entendu parler de la princesse de Galles jusqu’en 1820, si ce n’est par ses mœurs dissolues et ses désordres[3], qui

  1. Le prince de Metternich au baron de Vincent, ambassadeur d’Autriche à Paris, 13 octobre 1819. Documens inédits.
  2. Voyez les Mémoires de Charles C. -F. Greville, dont nous devons une traduction à Mlle Marie-Anne de Bovet.
  3. De ce triste mariage était née une fille, la princesse Charlotte, morte prématurément en 1817, après avoir épousé le prince Léopold de Cobourg, qui fut plus tard roi des Belges. Elle vécut peu de temps avec lui. A propos de cette princesse, je trouve dans une lettre de Decazes à Louis XVIII l’histoire que voici, et qu’il tenait d’un ministre anglais. La princesse de Galles, étant encore à la Cour, tolérait qu’un jeune officier élevé avec sa fille, quoique celle-ci ne fût plus une enfant, continuât à vivre dans son intimité. Un jour que les jeunes gens étaient avec elle dans sa chambre, elle les y laissa seuls et les y enferma, après leur avoir dit : — Amusez-vous bien, mes enfans. La princesse Charlotte « trouva d’abord la plaisanterie douce. » Mais, après réflexion, elle se plaignit à sa tante, la princesse Amélie, qui en fit part au roi. La séparation de la mère et de la fille fut « la conséquence de cette infamie, » consignée dans une déclaration écrite de la jeune princesse. Plus tard, quand elle dut épouser le prince Léopold, le roi exigea que celui-ci prît connaissance de cette déclaration. Léopold protesta, cria à la calomnie et épousa quand même la princesse, à laquelle il avoua ensuite quelle singulière communication lui avait été faite. La jeune femme, qui déjà n’aimait pas son père, ne l’en aima pas davantage.
    On lit, d’autre part, dans une lettre particulière en date du 26 juin 1820 : « L’ordre, rendu dans le temps par le roi, d’après l’avis du Conseil, pour empêcher que le roi ne vit sa fille, a été fondé sur des faits voisins de la prostitution et certifié ensuite par une déclaration de la jeune princesse, faite sous serment devant ses proches parens. C’est à cette époque qu’elle fut envoyée en pénitence à Weymouth, où aucun d’eux n’est allé la voir et d’où elle n’a eu la permission de revenir qu’après plusieurs conférences avec l’évêque de Salisbury. »