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Page:Revue des Deux Mondes - 1899 - tome 156.djvu/324

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le Courrier. Ce qu’il y a de plus étonnant, c’est que la reine savait qu’il était parmi les témoins. »

La déposition dont parle Decazes avait éclairé d’un jour singulier les relations de la reine avec Bergami, sur lesquelles, quelques jours après, un autre témoin à charge, le lieutenant Hownam, donna des détails circonstanciés, qui furent considérés comme une preuve de l’adultère. Mais, plus cette preuve devenait éclatante, à la lumière de ces témoignages, et plus la Chambre des lords hésitait à voter le bill de divorce, soit qu’elle fût influencée par ce qui lui revenait des dispositions de la Chambre des communes et redoutât un conflit, soit qu’en dépit du désir du roi, elle répugnât à proclamer l’infamie d’une femme qui avait porté la couronne d’Angleterre. Elle cherchait un biais qui la dispenserait de prononcer une condamnation et songeait à y substituer un arrêt d’interdiction pour cause de démence.

Le 8 septembre, Decazes écrivait à Pasquier :

« Je vous ai dit par le télégraphe la tournure que prenait le procès de la reine. Les journaux vous donnent les détails de la séance d’hier. Il y avait eu l’avant-veille un conseil à Windsor où l’on représenta au roi la nécessité d’abandonner la question du divorce : 1° pour éviter un échec que faisait craindre la déclaration des évêques qu’ils ne pourraient voter cette disposition ; 2° pour empêcher les récriminations auxquelles les avocats ne manqueraient pas de se livrer. De là, la déclaration faite hier par lord Liverpool sur l’interpellation convenue de lord Lonsdale, père de lord Lowthers et ami du ministère. Mais, d’une part, l’opposition, qui ne veut pas laisser le ministère se tirer d’embarras, et qui croit faire sa cour au roi en insistant pour le divorce, repousse cet expédient et demande, comme l’a fait hier lord Grey, s’il est possible de dégrader la reine et de la laisser au roi pour femme après l’avoir flétrie. D’autre part, on n’échappera pas de cette manière aux récriminations. Déjà, M. Brougham a fait voir, à l’avant-dernière séance, une liasse de lettres du roi, qu’il se propose de produire et, parmi les témoins de la reine, appelle la marquise de Conningham, sous le prétexte qu’elle l’a vue en Italie et qu’elle peut déposer de la bonne conduite de Sa Majesté, qui sans doute ne rendra pas aussi bon témoignage de la sienne. Lady Conningham, comme vous le savez, était et est encore de l’opposition et n’était pas dans les bonnes grâces du roi quand elle alla en Italie, de sorte qu’elle a dû faire sa cour à la reine assez souvent.