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Page:Revue des Deux Mondes - 1899 - tome 156.djvu/329

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D’autres assuraient que, si le bill était voté, ce serait le signal d’attaques violentes contre George IV. Au cours du procès devant la Chambre haute, certains témoins n’avaient pas parlé, par respect pour la couronne sinon pour le monarque. Mais, devant la Chambre des communes, rien ne serait caché, les langues se délieraient, on ne laisserait dans le mystère rien de ce qui concernait le roi : sa vie privée apparaîtrait au grand jour avec toutes ses turpitudes. La crainte et l’imminence de ce nouveau scandale dictèrent aux ministres des résolutions imprévues ; et, le 10 novembre, la proposition de mise en accusation de la reine fut retirée par ceux mêmes qui l’avaient présentée.

C’était, malgré tout, et contrairement à la vérité, avouer que la reine était innocente, qu’on s’était trompé en la poursuivant. Mais un tel aveu, démenti par tant d’affirmations positives, valait mieux encore que la continuation de ces débats néfastes qui troublaient si profondément l’Angleterre. « Le drame de la reine est fini. » Il était en effet fini, et les partisans de Caroline pouvaient dire que c’était à son honneur, rien n’ayant été prouvé contre elle. Elle avait maintenant le droit de réclamer un logement dans une résidence royale, une pension, les honneurs royaux. La Chambre des pairs l’ayant épargnée, elle rentrait dans ses droits de reine, tout en restant séparée de son mari.


III

L’hôtel de l’ambassade de France à Londres, situé dans Portland Street, n’était ni beau, ni gai, ni commode à habiter. La duchesse Decazes, qui en avait conservé un assez triste souvenir, nous en donne une description peu séduisante. Elle s’y déplaisait. Le climat humide et brumeux de la capitale anglaise ne convenait pas à santé. Elle était souvent souffrante et on la verra bientôt dangereusement malade et à deux doigts de la mort. Peu de semaines après son arrivée, les médecins étaient unanimes à conseiller à son mari de s’installer à la campagne, où elle trouverait un air plus pur et plus réconfortant. Ses amis le lui conseillaient aussi. « Le duc d’Hamilton, en revenant d’Ecosse, a été frappé par mon changement. Il insiste pour que nous partions. »

Ce déplacement était en outre commandé par la mode et les usages. La saison finissait. La haute société quittait la ville. La Cour était à Windsor. Les membres de la Chambre des lords,