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Page:Revue des Deux Mondes - 1899 - tome 156.djvu/343

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d’une aggravation de droits déjà établis ou la création de taxes nouvelles. Or, comment, en quelques semaines, en quelques jours, mesurer les conséquences de ces dernières ? comment reconnaître la complexité des effets qu’elles auront ? comment rechercher s’il n’y a pas lieu de supprimer d’anciens impôts dont la charge, ajoutée à celle des nouveaux, peut devenir intolérable ? Le résultat fatal est un redoublement de fiscalité.

Celle-ci décourage l’esprit d’entreprise ; elle pousse beaucoup d’hommes à dissimuler leur fortune et à s’abstenir de dépenses qui donneraient un aliment au commerce et à l’industrie et contribueraient à la prospérité générale en occupant des ouvriers et des employés ; elle tarit les sources de la richesse publique, qui n’est autre chose que l’addition des richesses de chacun de nous, et qui ne saurait s’accroître autrement que par l’augmentation de ces dernières. La tâche d’un ministre des finances est économique avant d’être financière ; il doit avoir présentes à l’esprit les principales branches de l’activité du pays, connaître celles qui sont susceptibles du plus grand développement, s’efforcer de les encourager, de faciliter leur travail, en diminuant ou en supprimant les entraves qui s’opposent à la libre expansion des forces. Mais une pareille œuvre ne saurait être menée à bonne fin que par un homme qui reste au pouvoir pendant de longues années, qui poursuive avec patience l’étude de la structure intime du corps social, qui puisse espérer voir apparaître peu à peu le résultat de mesures qu’il aura prises après mûres réflexions et en ayant prévu les conséquences même les plus lointaines de ces mesures. D’autre part, il ne doit pas oublier qu’il ne se trouve pas en présence d’une table rase et qu’il faut tenir compte de l’état de choses préexistant. Le problème à résoudre n’est pas seulement de trouver les meilleurs ou plutôt les moins mauvais impôts et de tracer la limite au-delà de laquelle les taxes deviennent oppressives et nuisibles au développement économique de La nation, il est nécessaire de tenir compte des situations acquises et de l’organisation antérieure. Ce n’est point un vain empirisme, mais au contraire des considérations de l’ordre le plus élevé, qui imposent ici au réformateur la plus grande prudence. Il doit se souvenir que l’état de la propriété mobilière et immobilière, commerciale et industrielle, et toute l’organisation du travail se sont modelés en quelque sorte d’après les lois fiscales. Celles-ci sont comparables à des servitudes grevant des immeubles : les