Aller au contenu

Page:Revue des Deux Mondes - 1899 - tome 156.djvu/398

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Toutes les économies, comme toutes les pensées du moderne Anglo-Indien sont pour cette famille qu’il a laissée derrière lui en Europe et vers laquelle il s’échappe dès qu’il peut obtenir quelques semaines de congé. Des fils à Eton ou à Rugby ; des enfans plus jeunes au bord de la mer, sous la direction d’une gouvernante, pendant que leur mère promène, çà et là, son demi-veuvage, son élégant ennui qui, peut-être, ne repousse pas toujours les consolations. Ajoutez à cela les préoccupations d’une santé qui se délabre et qui, vers la quarantième année, fait voir la vie, les hommes et les choses sous de noires couleurs. Tel est le civilian de l’époque actuelle, et vous ne trouverez plus chez lui, qu’à l’état d’exception, ce haut sentiment de l’autorité et des devoirs qu’elle entraîne, qui, pendant un demi-siècle, rachetait les erreurs et les fautes des agens de la Compagnie. En 1892, on s’est aperçu de la bévue commise et on a reporté les limites d’âge à vingt et un et vingt-trois ans ; on a rendu ainsi aux gradués d’Oxford et de Cambridge l’accès du service. Trop tard ! pendant ces quinze ans, l’esprit nouveau a envahi les vieilles demeures universitaires, et il est à craindre que le niveau des administrateurs fournis à l’Inde par la Métropole ne se relève jamais. Sans aucun doute, la vénalité et les concussions d’autrefois ont disparu et, à ce point de vue, on conçoit que lord Dufferin, un ancien vice-roi, ait pu écrire à M. Chailley-Bert : « Il n’y a pas au monde un pareil corps de fonctionnaires ! » Mais qu’importe à l’Inde, si la vertu d’aujourd’hui lui coûte plus cher que la corruption d’autrefois ?

On est ainsi ramené à la question posée plus haut : Pourquoi ne pas admettre les Indiens dans le service civil ? Chaque fonctionnaire indigène que vous y introduisez diminue d’une quantité appréciable et les charges budgétaires et la brèche faite au capital national. En effet, si je prends pour base d’appréciation l’échelle comparative des traitemens pour les fonctionnaires inférieurs, Indiens, Européens et Eurasiens (on nomme ainsi les métis), il résulte des chiffres placés sous mes yeux que l’administration par les natifs coûte cinq fois moins cher que l’administration par les employés de race anglaise pure. Inutile d’insister sur le fait que tout l’argent gagné par le fonctionnaire indigène demeure dans l’Inde et s’ajoute à la richesse générale.

L’introduction des natifs de l’Inde, Mahométans, Hindous ou Parsis, dans les postes élevés de l’administration aurait encore