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adversaires, les Anglicistes. L’entrée de lord Macaulay dans le Conseil en déplaça la majorité et en changea merveilleusement l’esprit. Il persuada à ses collègues que la diffusion de l’anglais était le seul moyen d’assurer le progrès intellectuel des natifs et leur assimilation à la race conquérante. Au renouvellement de la charte, en 1833, la subvention de l’Instruction publique avait été décuplée : on l’attribua tout entière à l’enseignement de la langue anglaise. En trois ans, le Bengale voyait créer quarante écoles, qui recevaient une population de 10 000 élèves. Ceux qui aspiraient au bienfait de l’instruction occidentale étaient si nombreux que la place manquait pour les admettre. Il fallait prendre rang et attendre son tour pour entrer dans ces collèges. Un nouveau pas fut fait en 1844 lorsque lord Hardinge établit un examen à la suite duquel était conféré un diplôme, sorte de certificat d’études, qui devait, pensait-on, ouvrir aux natifs l’accès des fonctions publiques. Très peu réussirent à passer l’examen, et ce petit nombre n’obtint pas les emplois espérés. Les illusions se ranimèrent en 1853, date à laquelle fut renouvelé encore une fois le privilège de la Compagnie. Cette circonstance solennelle servit de prétexte à beaucoup de promesses et d’occasion à quelques actes. Un ministère de l’Instruction publique fut établi. On élabora le plan des trois universités qui, en 1857, s’ouvrirent à Calcutta, à Madras et à Bombay, et auxquelles s’ajoutèrent plus tard celles du Pendjab et d’Allahabad. On a vu combien d’ambitions avait éveillées parmi les Indiens l’organisation du Civil Service et comme ces ambitions ont été tristement déçues. L’Inde compte une vingtaine de ses enfans dans les hautes fonctions administratives ; en revanche elle possède plusieurs milliers de bacheliers. Le lecteur peut déjà mesurer et mesurera encore mieux tout à l’heure ce qu’il y a d’ironique dans une telle compensation.

Jusqu’en 1854, on avait donné peu d’attention à l’enseignement populaire. Le progrès continu de la démocratie dans la métropole a renversé la proportion qui existait entre l’instruction universitaire et l’instruction primaire, en sorte que le budget de la seconde coûte aujourd’hui trois fois plus que le budget de la première. Il est juste de rappeler ici que les Universités indiennes n’ont que des examinateurs et point de professeurs ; que, par conséquent, l’enseignement supérieur est abandonné à l’initiative privée. Quant à l’enseignement primaire, il a deux degrés. Dans