Aller au contenu

Page:Revue des Deux Mondes - 1899 - tome 156.djvu/610

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.


III

Ainsi, le Brahmanisme s’est ouvert devant l’idée chrétienne, il s’est effacé et comme humilié pour lui livrer passage, puis s’est lentement redressé, refermé derrière elle, comme la jungle derrière le cavalier. Tout autre a été son mode d’action et son système de défense dans les questions sociales. Là, il s’est montré intransigeant, irréductible. Quelques réformes, il est vrai, ont eu lieu. D’abord la puérile, la malencontreuse réforme du costume qui a consisté dans l’adoption du vêtement européen, à l’exception du chapeau et du col de chemise. Puis l’inutile réforme de l’ameublement. Quelques coussins empilés dans un coin étaient autrefois les seuls meubles qu’on pût apercevoir dans une maison hindoue. On y voit maintenant, çà et là, des chaises et des sofas qui proviennent des magasins de Tottenham Court Road. En un siècle, les Hindous ont presque appris à s’asseoir. Enfin il y a l’importante réforme de la nourriture, l’abandon du végétarianisme qui s’identifiait en beaucoup de points avec la croyance religieuse. Encore cette réforme est-elle loin d’être universellement acceptée, et l’on sait que la vue des étalages des bouchers mahométans, — spectacle toujours dégoûtant, mais particulièrement offensif dans l’Inde, — a provoqué de furieuses émeutes à Calcutta. Les Hindous se sont résignés à boire de l’eau qui avait passé par des tuyaux et des aqueducs, au lieu de l’eau des fleuves sacrés. L’excommunication prononcée contre ceux qui voyageaient au-delà des mers a perdu beaucoup de sa force. Les classes semblent un peu s’être mêlées dans les salons officiels, à table d’hôte, sur les bateaux à vapeur, dans les wagons de chemins de fer et sur les bancs des écoles. Cette fusion n’est qu’apparente. L’antique organisation demeure intacte. Les castes résistent à l’action de l’esprit occidental comme elles ont résisté, il y a trois ou quatre siècles, aux efforts des grands prêcheurs dont j’ai déjà prononcé les noms[1].

Est-ce un bien ? Est-ce un mal ?

Dans une conférence récente, Mrs Annie Besant[2] présentait

  1. Voyez dans la Revue des 1er février, 15 mars et 15 septembre 1894 les études de M. Emile Sénart sur les Castes dans l’Inde.
  2. Annie Besant, Eastern Castes and Western Classes, a lecture. Madras and London, 1895.