Page:Revue des Deux Mondes - 1899 - tome 156.djvu/80

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
76
revue des deux mondes.

demander : êtes-vous bien à même de vous exprimer avec impartialité, sur le compte d’un homme que monsieur votre mari combat ?

— Mais, mademoiselle, je vous jure que je ne savais pas qu’il y eût lutte entre eux... si mon mari vraiment combattait cet homme, je le saurais... Enfin, soupira-t-elle, qu’est-ce qu’on lui reproche ? Se plaint-on seulement de ce qu’il soit... mal disposé ?

Mlle Paris s’interrompit, puis, reprenant brusquement :

— Eh bien, madame, je n’irai pas par quatre chemins. On dit tout net que M. Peulvey aurait trouvé dans les magasins pour 200 000 francs de marchandises et n’en aurait fait que 90 000 francs. Il est vrai que l’acheteur était un de ses bons amis.

— C’est tout ? demanda Mme Peulvey, très pâle, affectant le calme, mais déjà la tête perdue.

— Eh ! eh !... chère madame, fait la vieille fille de sa voix aigrelette, il me semble à moi que c’est bien suffisant... Qu’est-ce que vous voudriez donc qu’on dit de plus ?... Sur ce, me voici devant ma porte, je vous demande la permission... A moins que vous ne me fassiez l’honneur d’entrer ?

— Non, non, merci, mademoiselle, je rentre.

— Alors, chère madame, à l’avantage !...

La malheureuse femme, hors d’état de dominer son trouble, rentra chez elle toute malade. Elle qui ne soupçonnait même pas que l’affaire Mayard eût présenté de graves difficultés ! A l’origine, en effet, son mari lui avait raconté, comme une histoire amusante, la vie très mouvementée de cet aventurier, l’impudence avec laquelle il avait fait main basse sur la fortune de ce niais de Gresloud. Mais, depuis lors, Peulvey ne lui en avait plus ouvert la bouche. Pourquoi ? Est-ce que, par hasard, il aurait senti qu’il avait quelque chose à se reprocher ? La malheureuse femme en arrivait à douter de son mari, ne devinant pas que c’est justement des affaires les plus pénibles que les maris n’aiment pas à s’entretenir le soir, au foyer de famille. Et en effet Peulvey, après les tracas et les ennuis d'une longue journée, voulait avant tout son repos. Voilà pourquoi il s’était tu. D’ailleurs, il y a tant de choses qui s’arrangent !

Sans doute, lorsqu’il commença à prévoir que Mayard et Reymoussin allaient lui livrer assaut en essayant de provoquer un