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Page:Revue des Deux Mondes - 1899 - tome 156.djvu/884

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gnent, à l’approche de la terre, des fonds de 60 à 100 mètres, n’ont pas moins de 6 à 8 mètres de hauteur, et déroulent leurs vertes crinières étincelantes d’écume sur un front de 300 à 400 mètres. Elles commencent à briser aux approches des fonds de 20 mètres. C’est alors un assaut formidable contre les falaises, une série de heurts et de coups de bélier comme ceux des anciennes machines de siège ; et le dernier mot, dans cette lutte terrible, reste toujours à l’éternel agresseur, l’Océan.

Les marins de la côte basque distinguent même deux sortes de mauvaises mers : celle « de vent, » et celle « de fond ; » la première produite par les rafales qui règnent dans la région littorale ; la seconde, plus redoutable encore, qui provient de l’accumulation successive des vagues soulevées par les vents du large et qui bouleversent la côte, même par les temps calmes et les jours sereins. Lorsque les deux mers coïncident, la tempête est effroyable et rien ne peut lui résister.

Jusqu’à ces derniers temps, la baie de Saint-Jean-de-Luz avait cependant supporté sans trop de désastres ces attaques incessantes. Flanquée au Sud par les rochers du Socoa, au Nord par ceux de Sainte-Barbe, couverte au centre par ceux d’Artha, qui constituent une sorte de brise-lames protecteur, elle présentait, même pendant les gros temps, un calme relatif, et constituait un précieux port de refuge. Mais tous ces rochers en calcaire marneux, alternant avec des couches de silex fendillé, présentent une consistance médiocre et ont fini à la longue par être minés et affouillés ; ils se sont peu à peu désagrégés ; les vagues les ont dérasés et sont venues déferler, avec toute leur violence, sur le fond même du golfe, et contre la dune à l’abri de laquelle Saint-Jean-de-Luz vécut et prospéra longtemps en paix. La dune fut en partie démolie à la fin du XVIIe siècle, et la ville se trouva dès lors exposée sans défense à l’invasion des flots. A partir de ce moment jusqu’à ces dernières années, ce fut une série de désastres contre lesquels on ne cessa de lutter jour à jour, pied à pied. La mer envahissait périodiquement la malheureuse ville. La moitié des habitations étaient inondées, quelques-unes renversées. Le magnifique couvent des Ursulines avait été en entier emporté ainsi que l’église voisine. On construisit alors un second seuil de défense avec grand renfort de pieux, de palplanches, de blocs et de moellons, à une cinquantaine de mètres en retrait du premier qui avait été emporté. La mer s’acharna après lui, le sapa par sa base, y fit des