Aller au contenu

Page:Revue des Deux Mondes - 1899 - tome 156.djvu/900

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
896
REVUE DES DEUX MONDES.

intégrante de sa personne, eût été latine, grecque ou euskarienne, si son usage remontait au Ier siècle de notre ère, à plus forte raison à une époque plus éloignée. Or, aucun auteur ancien n’a parlé de ce singulier mode de locomotion, qui ne pouvait passer inaperçu, puisqu’on n’en retrouve l’usage nulle part ailleurs, dans aucune contrée marécageuse analogue aux Landes de Gascogne. Le nom anglais que porte l’échasse est donc la preuve indéniable que son invention et son usage ne remontent pas au-delà du moyen âge, et qu’avant cette époque les rares habitans de ces steppes immenses barbotaient péniblement dans leurs lagunes, ou même que le pays était à peu près désert, au moins pendant une bonne partie de l’année.

VIII

Mais, si les Landes ont dû présenter pendant de longs siècles un aspect désolé, il n’en était certainement pas de même de la région littorale. On a vu que sur près de 230 kilomètres de développement, de l’embouchure de l’Adour à celle de la Garonne, la côte du golfe de Gascogne n’était qu’une plage d’un relief rectiligne, déserte et stérile, au travers de laquelle se maintient une seule trouée permanente et navigable, ce qu’on appelle avec tant de justesse en Italie un porto et en Provence un grau (portus, gradus, passage), et qui constitue le chenal d’accès au bassin d’Arcachon.

À quelques brasses de cette plage dénudée, et à une distance qui peut varier entre 200 et 300 mètres, se dresse un long alignement de monticules, véritables vagues terrestres, mouvantes comme celles de la mer. Ce sont les dunes, dont le vieux nom celtique dun, dunum, signifie montagne et se retrouve dans la désignation d’un très grand nombre de villes étagées sur des coteaux plus ou moins escarpés : Verdun, Verodunum ; Loudun, Juliodunum ; Issoudun, Auxellodunum ; Lyon, Lugdunum ; le Puy-d’Issolu, Uxellodunum ; Autun, Augustodunum) etc.

C’est la mer qui nourrit ces dunes, et la moindre vague y contribue. Chaque flot y apporte sur la rive une pelletée de sable qui sèche à marée basse, devient libre et se déplace au moindre vent. Or, le vent dominant sur le golfe de Gascogne vient de la mer ; le sable est donc en grande partie poussé à la côte, le long de laquelle le plus léger obstacle, la moindre inégalité du sol déter-