dunes portent encore des bois magnifiques, pins et chênes gigantesques de 10 mètres de tour, qui ont incontestablement plusieurs siècles d’existence. Sans remonter aux premiers temps historiques, on sait qu’au XIVe siècle les seigneurs de Lesparre chassaient le cerf et le sanglier dans les forêts que recouvrent les dunes landaises ; et, plus près de nous, Montaigne raconte que ce n’est que depuis « peu de temps » que les sables ont recouvert une partie du pays.
Tout indique donc que les résiniers modernes ont eu des devanciers et que nos ancêtres, peut-être même les premiers occupans du sol, avaient su, tout comme nous, défendre leurs demeures par des plantations régulières intelligemment entretenues. Le littoral des Landes aurait donc très bien pu être, à l’origine de notre ère, aussi boisé que celui de la Flandre et des Pays-Bas.
Le sable, en effet, n’est pas par lui-même absolument impropre à la culture. Sous le climat humide du golfe de Gascogne, il se recouvre rapidement d’une végétation, assez pauvre sans doute, mais suffisante pour lui donner un peu de cohésion et préparer, par la lente accumulation des débris organiques, une sorte de feutre ou de treillage chevelu assez favorable à la croissance des arbres. C’est en réalité l’homme qui est presque partout le destructeur inintelligent de la plupart des dons que lui offre libéralement la nature patiente, toujours en travail de production. Des défrichemens inconsidérés, des incendies fréquens et, par-dessus tout, la dent meurtrière des moutons ont stérilisé bien souvent des milliers d’hectares entièrement recouverts de bruyères et de bois protecteurs, et le sol déjà fixé est redevenu mouvant. On peut donc dire, sans chercher à l’atténuer, que l’œuvre réparatrice de Brémontier n’a pas été, en somme, une création, mais une sorte de réminiscence, un retour à des traditions perdues. Ni Strabon, ni Pline le naturaliste, ni aucun des géographes classiques qui ont décrit la Gaule en détail n’ont fait d’ailleurs la moindre allusion à cette marche progressive des sables, qui a forcé pendant quelques siècles les habitans à abandonner plusieurs fois leurs demeures, à fuir sans ressources devant un ennemi toujours en mouvement. Ce phénomène, quelquefois terrible, les aurait certainement frappés, et leur silence à cet égard semble bien indiquer qu’il ne se produisait pas ou tout au moins n’avait pas l’intensité et le caractère de désastre qu’il n’a pris que depuis que l’homme a si imprudemment détruit les anciennes forêts, à l’abri desquelles il avait long-