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Page:Revue des Deux Mondes - 1899 - tome 156.djvu/914

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romantique. C’est l’honneur des romantiques que, depuis Chateaubriand jusqu’aux Augustin Thierry et aux Michelet, ils ont passionnément aimé la France. Ils l’ont aimée comme une personne, pour ses souffrances autant que pour ses gloires. Ils l’ont célébrée pour le charme de ses paysages et la bienveillance de son ciel, comme pour la douceur de ses mœurs. Ils ont voulu pénétrer dans l’intimité de sa vie à travers les siècles, ranimer son plus lointain passé, en découvrir l’image dans les institutions de sa politique comme dans les monumens de l’art. Cela même leur a permis de retrouver derrière le décor mouvant des révolutions la continuité de notre tradition française, de venger le moyen âge calomnié par l’ignorance et les dédains absurdes des philosophes du XVIIIe siècle, de rouvrir nos yeux à la beauté des chefs-d’œuvre méconnus, et enfin de créer un genre nouveau, en faisant de l’histoire de France ce que de patiens compilateurs, avec tout l’effort de leur érudition, n’en avaient pas su faire : une chose vivante. C’est aussi en ce sens que M. de Bornier est romantique.

A la manière de tous les écrivains dramatiques qui prennent leur art au sérieux, M. de Bornier a écrit sa pièce pour dire quelque chose et parce qu’il avait quelque chose à dire. Il a voulu faire entendre au théâtre « des paroles d’apaisement, de pitié, de concorde, de patriotisme », afin qu’on en pût tirer une leçon. Il n’en avait pas fallu davantage pour que tout le monde en conclût qu’une pièce aussi « séditieuse » courait risque de ne pas avoir l’assentiment des pouvoirs publics. Naturellement l’esprit de l’auteur devait se reporter à l’une des époques où la France a été le plus divisée, le plus menacée dans son unité intérieure, le plus déchirée dans son cœur et dans sa chair. Encore fallait-il qu’à l’époque choisie l’idéal de nos vertus chrétiennes et chevaleresques eût toute sa prise sur les âmes, qu’il pût s’incarner dans des figures héroïques, et qu’on aperçût dans le lointain les perspectives d’un règne glorieux et utile. Toutes ces raisons ont amené M. de Bornier à placer son drame au temps de la minorité de saint Louis. « A peine eut-on couronné le jeune roi, le 1er décembre 1226, qu’il s’éleva une terrible guerre civile. Les Princes et les Grands du royaume se liguèrent et prirent pour fondement de leur ligue que la régence du royaume eût été donnée à une femme étrangère. Blanche ne s’étonna point dans une conjoncture si délicate et si périlleuse, et, se servant de tous les moyens que la prudence lui suggérait, elle vint à bout de ce formidable parti, autant de fois qu’il renouvela ses complots. On prétend que sa beauté ne lui fut pas inutile dans ces sortes d’occasions et qu’elle en tirade très bons services sans rien faire contre