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Page:Revue des Deux Mondes - 1900 - tome 157.djvu/112

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mouvement des vagues ; mais il finit par atteindre une certaine fixité, se développe et forme une île qui divise le courant du fleuve en deux. Telle est l’origine du delta.

Lorsque, au contraire, de fortes marées, après avoir fait gonfler les eaux du fleuve sur une étendue considérable en amont, déterminent par le retrait de leurs eaux une chasse puissante, ces dépôts sont balayés par ce courant énergique et, transportés ensuite par les courans littoraux, ils vont se perdre dans des parties profondes ou concourir au développement de bancs de sable à une assez grande distance des embouchures. C’est ainsi que se conservent les estuaires.

Cette division bien nette des embouchures en deux types parfaitement distincts ne doit pas cependant être trop absolue ; et, si les deltas se produisent toujours dans les mers calmes et à niveau constant, tandis que les fortes marées contribuent à entretenir la profondeur des estuaires, le phénomène peut être mixte dans certains cas et l’embouchure participer à la fois des deux types extrêmes. C’est ainsi que dans la mer du Nord, par exemple, où l’amplitude de la marée est assez faible, les embouchures multiples du Rhin, de la Meuse et de l’Escaut sont masquées du côté de la mer par une ceinture d’îles, dont quelques-unes, comme Walcheren, Sud-Beveland, Beyerland, sont de véritables petits continens. La formation de ces îles est analogue à celle de tous les deltas ; mais, quoique faibles, le flux et le reflux entretiennent entre elles des passes naturelles assez profondes, véritables estuaires partiels qui permettent aux navires de remonter le cours du fleuve. Il en est de même pour deux des plus grands fleuves du monde, le Gange et le Mississipi, dont les embouchures tiennent à la fois de l’estuaire et du delta ; car ils débouchent, le premier dans le golfe de Bengale, le second dans le golfe du Mexique, sortes de mers intérieures où la marée est relativement peu sensible.

Les fleuves qui débouchent dans une mer à marées puissantes semblent donc devoir se maintenir avec un seul estuaire large et profond ; ceux qui débouchent dans une mer à niveau constant doivent, au contraire, être barrés par les dépôts accumulés à leur embouchure et qui constituent une île en général triangulaire divisant le fleuve en deux ou plusieurs bras.

Telle est la loi. Mais rien n’est absolu dans les phénomènes de la nature ; et, en fait, bien que la Gironde débouche sur une partie