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Page:Revue des Deux Mondes - 1900 - tome 157.djvu/143

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quelques relations commerciales avec le port de Bordeaux ? Doit-on, avec d’autres, en faire honneur à Louis le Débonnaire, et croire que le cor que faisait résonner la vigie de garde pour signaler l’écueil pendant les temps de brume est la racine primitive du nom de « Cordouan ? » A vrai dire, il est fort douteux que les marchands maures et les rois carlovingiens se soient beaucoup préoccupés d’établir un signal lumineux à l’entrée de la Gironde. Le premier document historique qui fait mention du phare est une charte de Henri IV, roi d’Angleterre, datée de 1410, qui rappelle qu’une tour à feu avait été bâtie, de 1362 à 1370, sur le rocher de Cordouan, par le fameux Prince Noir, le fils du roi Edouard III, qui possédait alors toute la Guyenne. Le phare, d’ailleurs, n’était pas un monument isolé ; à côté de lui, on avait construit une chapelle pour la vierge Marie, et tout un petit village. Le rocher de Cordouan, on le sait, tenait alors à peu près à la terre, et faisait partie du Bas-Médoc. Le village était habité par des pêcheurs, la tour par un ermite. Le premier de ces ermites, qui s’appelait Geoffroy de Lesparre, devait, moyennant un droit de deux gros sterling par bateau chargé de vin, allumer un feu de bois sur la plate-forme. Ce service, plus ou moins consciencieusement fait, dura jusqu’en 1584.

La tour fut alors reconstruite par le célèbre architecte Louis de Foix, le même qui, cinq ans auparavant, avait sauvé le port de Bayonne en redressant le cours de l’Adour, et s’était déjà illustré dans les travaux de l’Escurial. Il apporta à la tour de Cordouan, comme il l’avait fait au palais des rois d’Espagne, un esprit de décoration et de luxe qui nous surprennent un peu aujourd’hui. La base de la tour était octogonale, de style dorique, avec pilastres, frontons, volutes richement ornés ; au-dessus, un premier étage en style composite ; dans l’intérieur, une chapelle et la chambre du roi, décorée de sculptures et de médaillons avec une énorme couronne au sommet de la voûte et une inscription emphatique d’un fort médiocre goût ; au sommet, la lanterne.

Quelque somptueux que fût l’édifice, il avait le grave défaut de ne s’élever guère à plus de 20 mètres au-dessus des plus hautes eaux. La construction avait été établie, ainsi qu’il est dit dans le contrat passé entre Louis de Foix et le gouverneur de Guyenne, sur « l’isle de Cordouan, » ce qui prouve que le rocher de Cordouan était bien déjà séparé du Médoc. L’île devait cependant être assez rapprochée de la terre, et présenter une certaine surface et un