de là. Trois mois après, elle quitte brusquement un intérieur heureux pour retourner au Kansas. Sa vie est trop douce, trop ornée, il lui semble voler la part des autres. Et, le cœur déchiré, Bradley la laisse partir. — Soit, dit-il, nous nous sommes engagés pour toute la durée de la guerre.
Ils se retrouveront bientôt, et ils combattront côte à côte.
Le roman de ces deux altruistes est d’une beauté un peu froide. On l’a reproché à Hamlin Garland, on lui a reproché d’avoir fait de son Ida un être de raison plutôt qu’une femme. Mais il se défend bien : — Je ne l’ai pas montrée, réplique-t-il, telle que la verrait le lecteur, telle que je la verrais moi-même si elle était la figure principale de mon livre, je la montre telle qu’elle est apparue à Bradley Talcott. Il s’agit de faire comprendre l’empire qu’elle prend sur lui, et pour cela il faut tâcher de la regarder avec ses yeux.
Quoi qu’il en soit, A spoil of office a le mérite d’être écrit avec tant de talent que l’ennui, inséparable d’un roman à thèse, ne s’y fait pas un seul instant sentir ; en outre, il nous initie aux revendications fort peu connues de l’Amérique rurale de l’Ouest, revendications tardives qui peuvent avoir pour le pays des conséquences graves.
Le développement de ce qu’on appelle l’impérialisme d’une part et le socialisme de l’autre, tant dans les campagnes que dans les villes, est certainement une menace pour les États-Unis, quoique la classe ouvrière trouve encore là-bas des conditions plus favorables que partout ailleurs, comme le démontrait récemment M. J. Bourdeau[1]. Il est à remarquer que le roman du communisme nous vient d’Amérique : Looking backward[2] de Bellamy, s’est vendu dans le pays à 400 000 exemplaires ; Egalité[3] du même auteur a obtenu aussi un énorme succès. Les questions sociologiques débordent dans la fiction : Howells, je crois, a ouvert la marche, mais Hamlin Garland le dépasse de beaucoup en audace. Non seulement le travailleur, le peuple, l’intéresse par-dessus tout, non-seulement il croit que son