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Page:Revue des Deux Mondes - 1900 - tome 157.djvu/169

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Rob est du nombre de ceux qui réussissent, tandis que tombent autour d’eux les faibles et les timides. Il a défriché cent acres de Prairie à la sueur de son front, il s’est creusé un puits, construit une cabane, il fait toute sa besogne lui-même, coud, lave, raccommode ses hardes et vit principalement de conserves. Sa prospérité grandissant, il réfléchit qu’une femme lui ferait de meilleure cuisine et apporterait chez lui un certain agrément. Là-dessus, d’une minute à l’autre, le voilà parti, en déclarant à ses camarades que, sous dix jours, il reviendra marié. On se moque de lui, des paris s’engagent et les citoyens peu nombreux de la ville florissante de Boomtown, qui aura bientôt deux ans de date, l’accompagnent en file indienne jusqu’à la station du chemin de fer avec force quolibets et projectiles. Rob gagnera son pari. Il trouve l’épouse de ses rêves dans un champ de maïs que brûle le soleil de juillet, ou plutôt sur la limite de ce champ de maïs, baignant ses pieds lassés dans le ruisseau voisin. Son père, un vieux Norvégien barbu, la rappelle à l’ordre d’une voix impérieuse, et la pauvre créature se plaint, non sans raison. Les Yankees ne font jamais travailler leurs femmes aux champs, mais les Norvégiens les traitent en bêtes de somme.

Il serait inutile de demander à ses parens un si beau brin de fille : elle leur rend autant de services qu’un ouvrier et ne leur coûte rien. Que fera donc Rob ? Il l’enlèvera sans bruit, avec son consentement. On s’arrêtera en route pour la rapide célébration du mariage. N’a-t-il pas cent acres de froment qui attendent d’être coupés ? Maintenant et toujours, elle aura la moitié de l’argent qu’il fera, on achètera un joli mobilier après la moisson, et elle jouira de toutes les naissantes distractions de Boomtown.

Mais tant d’avantages ne réussiraient pas à tenter Julie, si Rob, son camarade d’enfance, ne lui disait en outre et à la fin qu’il l’aime. Cependant la voix grondeuse du père retentit tout le temps au-dessus des épis de maïs, comme l’appel lointain d’une sirène, et la capeline rose se promène de sillon en sillon sur la tête de Rob pendant que réfléchit la fiancée encore hésitante. La nuit vient, il n’y a pas de lune, mais le ciel est plein d’étoiles ; une petite brise court par intervalles comme un serpent, avec des frôlemens légers, parmi les épis. Bientôt le frôlement devient plus distinct, assez marqué pour éveiller l’attention de Rob, qui attend sur la route avec de bons chevaux. Il siffle le cri plaintif et doux de la poule de prairie. Alors une forme