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On connaît l’histoire fameuse d’Archimède, lançant, disent les anciens, le feu du soleil sur la flotte ennemie et la réduisant en cendres, lorsqu’elle approcha des remparts de Syracuse, à la portée d’un trait. Le même exploit, au témoignage de Zonaras, fut accompli au siège de Constantinople en 544, par Proclus qui brûla de même la flotte de Vitalien. Ces récits, longtemps acceptés comme vrais, ont été contredits par Descartes et par quelques physiciens modernes qui les ont traités de fables, par suite de l’impossibilité où auraient été les anciens de réaliser pratiquement les conditions de cette expérience que la théorie, en revanche, permet parfaitement de concevoir, au moins dans son principe. On refusait à l’art des anciens et même à l’industrie des modernes la possibilité de construire des miroirs d’assez longs foyers et assez parfaitement travaillés pour concentrer en un même point la chaleur suffisante à enflammer le bois des navires. À la vérité, quelques auteurs, parmi lesquels le physicien Du Fay, qui fut le collègue et l’ami de Buffon, et son prédécesseur dans l’intendance du Jardin du roi, avaient suggéré l’idée qu’il n’était pas nécessaire de recourir à des miroirs courbes et que des miroirs plans, en nombre convenable et convenablement dirigés, assureraient probablement la réussite.

Buffon adopta cette idée des miroirs à facettes et la réalisa. Il fit construire, par l’habile mécanicien Passamant, une sorte de charpente, dans laquelle pouvaient s’enchâsser un grand nombre de glaces étamées rectangulaires, de six pouces sur huit, individuellement mobiles, de manière à pouvoir amener l’image fournie par chacune d’elles à tomber sur le même point. Grâce à ce dispositif, Buffon prouva la possibilité des exploits d’Archimède et de Proclus en les reproduisant. Le 10 avril 1747, dans le Jardin du Roi, il enflamma une planche de hêtre à cent cinquante pieds de distance, au moyen d’un miroir de 128 facettes. Avec un miroir de 234 facettes il réussit à fondre des assiettes d’argent à quarante-cinq pieds de distance.

Buffon fut aussi l’un des savans les plus empressés à accueillir les idées de Franklin sur la foudre et l’électricité. Les belles et dangereuses expériences qui consistent à soutirer le fluide des nuées en temps d’orage, il les raconte à son ami le président de Ruffey, dans l’été de 1752, et il lui indique les moyens, d’ailleurs très simples, de les répéter. « C’est moi, écrit-il, qui les ai fait