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à prendre avec elle aucune mesure qui puisse occasionner la moindre gêne aux alliés dans la continuation de la guerre : seulement, ajoutait-il, j’ai eu le chagrin de constater une grande froideur vis-à-vis de la cour de Vienne, froideur qui pourrait avoir de mauvaises conséquences, si les affaires ne s’arrangent pas avant le départ de la Saxe des Suédois. »

Là était en effet, pour les ennemis de Louis XIV, le point noir, et pour Besenval le seul coin un peu favorable de l’horizon. Il y eut encore après le départ de Marlborough des contestations assez vives entre Charles XII et l’ambassadeur impérial, qui rendirent à plusieurs reprises quelque espérance, ou du moins quelque illusion à M. de Besenval, et dont il faut lire dans le récit de M. Syveton le détail souvent assez piquant. Car, si les griefs de Charles contre l’Empire n’avaient rien de bien sérieux, les réparations qu’il demandait étaient étranges et presque impossibles à obtenir. Tout s’arrangea cependant encore par l’intervention des puissances maritimes : l’Empereur, qui avait besoin d’elles, en passa par où elles voulaient, et elles obtinrent de Charles qu’il se tînt pour satisfait moyennant des promesses faites en faveur des protestans de Silésie, genre de concessions qui coûtaient beaucoup au souverain catholique, mais par-là même plus convenables que celles que Charles demandait aux intérêts et à la dignité de sa couronne.

Il faut ajouter que ce qui le décida, plus que toute autre considération, à ne pas pousser ses différends avec l’Empereur jusqu’à amener une : querelle ouverte, c’était sa hâte d’aller en finir avec la Russie, qui gardait encore un lambeau de territoire suédois. Tout le monde était si convaincu que ce serait l’affaire d’un petit effort et de peu de jours, que, pour consoler M. de Besenval, les partisans qu’il s’était faits, et qui ne voulaient pas trop complètement le décourager, lui répétaient volontiers : « Laissez donc le roi faire, laissez-le partir ; que la France s’arrange seulement pour tenir bon jusqu’à son retour, il aura alors les mains libres, et, si l’Autriche continue à se montrer difficile, il la fera rentrer dans le rang. »

M. de Besenval, je dois le dire à son honneur, n’avait qu’une médiocre confiance dans ces prévisions si optimistes, et il se demandait si, au lieu d’attendre cette liberté des chances toujours douteuses du combat, on ne l’aurait pas à meilleur marché en acceptant du tsar, ou même en lui offrant, des conditions de paix que, vaincu comme il l’avait été, il n’aurait peut-être pas rendues trop difficiles. C’est dans cette vue qu’il lit ce que M. Syveton appelle son dernier effort, en