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de corruption portée contre le ministre Piper, et qui est réfutée, on l’a vu, par le témoignage du duc de Marlborough lui-même.

« La gloire, dit Saint-Simon, lui avait élevé (à Charles XII) en Saxe un tribunal qui imposa des lois à tout le monde : à une partie très vaste de l’Allemagne, à l’Empereur même à qui il demanda des restitutions et autres choses fort dures. Il était en posture d’être dictateur de l’Europe et de faire faire la paix à son gré sur la succession d’Espagne ; toutes les puissances de guerre avaient recours à lui : il était au mieux avec la France… et plus enclin à elle qu’à pas une autre, qui toutes malgré leurs succès contre la France la craignaient ; ainsi placé en Allemagne au point d’en passer par tout ce qu’il eût voulu plutôt que de l’y voir avancé avec son armée et se déclarer contre elles. Les plus grands rois sont malheureux, Piper était son unique ministre qui l’avait toujours suivi ; il avait toute sa confiance ; tout occupé de troupes, de subsistances, il se donnait aux affaires d’État emporté par cette passion de haine et l’amour de l’avantage. L’empereur et l’Angleterre gagnèrent Piper à force d’argent et d’autres promesses. Piper, vendu de la sorte, se servit des passions de son maître pour le tirer de Saxe et le faire courir après le Czar. Rien ne put le détourner d’une si hasardeuse folie. L’objet et le péril qui y était attaché fut pour lui son double attrait[1]. »


Duc DE BROGLIE.

  1. Saint-Simon, édition publiée par M. de Boislile, t. XIV, p. 110.