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indiquant la manière dont leur souverain envisageait la crise générale. En l’absence du ministre des Affaires étrangères, le comte Bernstorff, la lettre était rédigée par le conseiller d’ambassade, M. Ancillon, qui, en sa qualité d’auteur d’écrits philosophiques et littéraires distingués, tenait la plume dans les grandes circonstances, mais qui n’a jamais (même quand il fut plus tard appelé au ministère) passé pour être doué d’aucune initiative personnelle. C’était donc bien sûrement l’œuvre du roi lui-même. « Sa Majesté, était-il dit, a pris la ferme et invariable résolution d’abandonner la France à elle-même et de n’intervenir, ni directement, ni indirectement, dans ses affaires intérieures, mais, en même temps, de garantir et de défendre à tout prix, contre toute espèce d’agression, les possessions que les traités les plus solennels assurent à la Prusse, et de ne pas permettre que, par des débordemens quelconques, il soit porté atteinte à la tranquillité de ses peuples. Quelque désastreux que soit le bouleversement général de la France, par l’avènement du Duc, la forme monarchique a du moins été sauvée… Dans l’état actuel des choses, on doit souhaiter que la monarchie se consolide. Sa Majesté déplore sans doute que des événemens malheureux aient renversé un ordre de choses que l’Europe avait établi au prix de tant de sang et de sacrifices… Mais elle n’envisage les hautes questions du moment que sous le rapport de ses devoirs envers les peuples que la Providence lui a confiés. »

La circulaire ajoutait cependant qu’il était désirable que les puissances pussent parler et agir d’un parfait accord, et que chacune d’elles fût informée des intentions des autres, et la conséquence était que la lettre, sur laquelle on n’avait pas consulté le prince de Metternich, fût mise sans délai sous ses yeux.

Avec une ligne de conduite si nettement marquée d’avance, la réception de l’envoyé français ne pouvait souffrir aucune difficulté : elle fut empressée et cordiale. Le choix, du reste, était heureux : le général Mouton, comte de Lobau, s’était acquis une grande renommée militaire, à laquelle tous ceux qui l’avaient rencontré sur les champs de bataille étaient heureux de venir rendre hommage. Par sa femme, issue de la noble famille d’Arberg, il avait un lien éloigné de parenté avec la famille de Hohenzollern. Son humeur était franche et ouverte, et sa conversation piquante, bien qu’entremêlée de propos militaires. Le roi sembla y prendre plaisir. Je tiens d’ailleurs d’un diplomate, le comte Bresson, qui