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Cours de Vienne et de Berlin pour les entraîner à marcher à sa suite. C’était réclamer précisément le concert que Nesselrode, on l’a vu, avait refusé en son nom. Mais il était trop tard pour y revenir. A Berlin, le parti était pris et le mal était fait, et, aux yeux de Metternich même, le moment utile était passé. D’ailleurs on ne voit pas bien sur quelles bases l’accord aurait pu s’établir, s’il est vrai (ce qu’on a peine à croire, quoique Metternich affirme le fait dans sa correspondance) que ce que proposait le tsar à ses alliés, c’était une demi-reconnaissance collective de Louis-Philippe, non pas dans sa qualité royale, mais dans celle de lieutenant général du royaume, la seule qu’il pût tenir à titre légal de la désignation de Charles X. Bien n’atteste mieux à quelle espèce d’égarement cet esprit, d’ordinaire plus réfléchi, était ce jour-là livré. On ne pouvait sérieusement douter qu’une communication portant cette suscription inconvenante et dérisoire serait renvoyée sans être ouverte.

De gré ou de force, par conséquent, tout en se plaignant même assez haut que chacun eût pris un parti sans le consulter, il fallut bien que le tout-puissant autocrate se résignât et, ne pouvant rien faire seul, fit comme les autres : il dut accueillir l’envoyé, recevoir la lettre et y répondre. Le général Athalin fut même reçu avec un certain empressement par l’impératrice, qui s’employait à calmer l’irritation de son mari. Le général avait un remarquable talent de dessin : elle lui demanda quelques ébauches, qu’elle mit de la bonne grâce à placer dans son album. De fait, elle avait raison. Du moment où la colère se trouvait ainsi réduite à une mauvaise humeur impuissante, il y avait plus de convenance et de dignité à ne pas la laisser voir. L’Empereur n’en jugea pas ainsi, il tint au contraire à en marquer très visiblement la trace, non seulement par le ton sec et maussade de sa réponse qu’il eut le mauvais goût de laisser publier, mais en refusant au nouveau roi, qu’il consentait à qualifier de Majesté, l’appellation habituelle (monsieur mon frère) que tous les souverains échangent entre eux, sans qu’on y ait jamais vu l’indice d’aucun sentiment personnel.

C’était une malice assez puérile, dont le moindre inconvénient fut qu’une fois s’en étant passé la fantaisie, il fallut la reproduire chaque année dans toutes les occasions solennelles, et y revenir, même à l’avènement du second Empire, pour ne pas paraître accorder à Napoléon III plus de légitimité qu’à Louis-Philippe : on