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Page:Revue des Deux Mondes - 1900 - tome 157.djvu/289

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prince de Metternich : aussi l’accueillit-il avec empressement, regrettant seulement la faiblesse du gouvernement anglais, qui, au lieu de s’entendre d’abord avec ses alliés sur le plan à suivre dans la Conférence, avait mis la France sur la première ligne de l’action.

Le seul qui fut difficile à convaincre ce fut le Tsar, qui avait voulu se persuader jusqu’à la dernière heure que le cabinet britannique ne se montrerait pas si peu empressé à défendre un intérêt qui, disait-il, était au fond plus anglais qu’européen. Il se plaisait à prévoir toutes les mauvaises chances de la négociation. Il ne consentit à y entrer que pour y maintenir l’intégralité de l’Etat des Pays-Bas, quelle que fut son organisation, sous la domination de la maison de Nassau, et avec la pleine sûreté des forteresses qui doivent assurer son indépendance. Dans ces conditions, — si la France les acceptait, — la Conférence aurait au moins l’avantage de la compromettre avec les insurgés belges[1].

Quant au roi des Pays-Bas, en comptant les voix dans la réunion, il croyait avoir des raisons d’espérer que, soit pour lui-même, proche allié du roi de Prusse, soit pour son fils, beau-frère de l’empereur de Russie, la majorité ne pouvait pas manquer de lui être favorable. VA, effectivement, si tout devait se passer comme dans un parlement, la situation de l’ambassadeur de France allait être singulièrement difficile, se trouvant, lui cinquième, en face de trois adversaires de la cause qu’il devait défendre, et mollement soutenu par un seul appui douteux. Tout dépendait de l’attitude qu’il saurait prendre, ou, pour mieux dire, du choix qu’on avait fait dans sa personne.

Cet ambassadeur, on sait quel il était. C’était le diplomate le plus renommé, et peut-être l’un des personnages les plus connus du siècle, celui qui avait été déjà en 1792, sous le couvert d’un chef nominal, le véritable envoyé de la révolution naissante en Angleterre, plus tard le ministre des Affaires étrangères du Directoire, puis le meilleur confident de Napoléon après Austerlitz et Iéna, qui l’avait ensuite accompagné, peut-être surveillé et tenu en échec à Erfurt, enfin le représentant de la légitimité restaurée à Vienne en 1815, Charles-Maurice de Périgord, prince de Talleyrand.


DUC DE BROGLIE.

  1. Mémoires de Talleyrand, t. III, p. 306. Dépêche du comte de Nesselrode à Matusewitch, ministre de Russie à Londres.