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Page:Revue des Deux Mondes - 1900 - tome 157.djvu/327

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concession de terres en toute propriété, afin d’y créer des noyaux de repeuplement et des centres de ressources[1].


On s’élève souvent contre la charge onéreuse que présente pour la métropole l’entretien des corps d’occupation. On admet d’ailleurs que le moment ne semble pas précisément favorable à leur réduction. L’utilisation coloniale de ces corps ne donne-t-elle pas le meilleur moyen de ne pas les laisser à l’état de force improductive ?

Il est facile de se rendre compte de l’économie que représente, pour les budgets coloniaux ou métropolitains, un tel emploi de nos soldats s’il est partout compris et pratiqué. A Madagascar, une centaine d’écoles où les petits Hovas commencent à parler couramment le français, organisées et dirigées par nos soldats ; les écoles professionnelles où les soldats contremaîtres ont formé des ouvriers, des chefs d’atelier même, parmi les indigènes dans des régions où il n’y avait aucune industrie, aucun ouvrier d’art ; des fermes-écoles où, sous la direction de soldats, s’apprend l’usage de nos instrumens aratoires, où se fait l’expérimentation de nos graines et de nos cultures, et enfin les routes, les ponts, les constructions, dont les chefs de chantiers, les maçons, les briquetiers sont encore et toujours des soldats.

On se demande, ou plutôt la question est résolue, par cela même qu’elle est posée, comment, avec les ressources budgétaires à peu près nulles dont disposaient les commandans de cercles, une telle œuvre aurait pu être réalisée, si, à défaut du réservoir militaire, il avait fallu faire venir de France à grands frais ce personnel.

Que quelques abus puissent se produire parfois de la part des soldats ainsi livrés à eux-mêmes, c’est incontestable. Il n’y a point d’institution humaine qui n’ait son revers, et qui résiste à l’examen des cas particuliers. L’argument est trop facile ; et il appartient à l’autorité de réprimer avec la dernière rigueur les

  1. Décision du général Galliéni, du 20 janvier 1898, affectant une compagnie de tirailleurs malgaches à la route de Majunga : «… Considérant qu’il est utile de repeupler une route d’étapes importante en y créant des ressources pour les voyageurs et que cet essai de colonisation militaire, déjà expérimentée avec succès dans d’autres colonies françaises et étrangères, est particulièrement intéressant au point de vue du repeuplement des parties actuellement désertes de l’ile : — Considérant que cette organisation, en créant des intérêts à la troupe, contribue à l’amélioration de son état physique et moral dans des régions éloignées de tout centre de population… décide… »