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Page:Revue des Deux Mondes - 1900 - tome 157.djvu/403

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se rendre toujours maître. Tout comme la pointe de Grave, les travaux de protection et de défense de la côte d’Arvert ont été fréquemment bouleversés. Digues, palissades, clayonnages, épis et enrochemens sont balayés quelquefois par une seule tempête, et tout est alors à recommencer. La pointe de la Coubre, qui formait au commencement du siècle un éperon très avancé en mer, ne cesse de reculer devant l’assaut des vagues ; et on a exactement constaté que dans moins de trente ans, de 1825 à 1863, elle avait perdu près de 600 mètres. La pointe qui formait saillie s’est effondrée, s’est transformée en un large banc sous-marin, et est devenue un de ces « platins » dangereux à distance desquels il est prudent de se tenir.

Mais c’est à l’extrémité Nord de la côte d’Arvert que les conditions nautiques sont particulièrement mauvaises. C’est là que se trouve en effet le redoutable pertuis de Maumusson, dont le nom seul « Mauvaise Bouche » fait image. Les bateaux ne sauraient s’y engager qu’avec une extrême prudence, et lorsqu’une brise constante et assez forte leur permet de le franchir rapidement. On a dit quelquefois que le pertuis de Maumusson était le Maëlstrom de la Saintonge. Toutes proportions gardées avec le célèbre courant de la mer du Nord, qui fait avec raison la terreur des marins entre les îles Shetland et les Orcades, le pertuis de Maumusson présente les mêmes effets dus à la même cause, qui est le conflit de deux courans en sens contraire. A chaque marée, le petit bras de mer qui sépare le continent de l’île d’Oléron se déprime et tend à se vider, et les marins disent alors que « Maumusson tire. » Le flot remonte ensuite brusquement des deux côtés, par le Nord et par le Sud. Le mélange des eaux se fait quelquefois d’une manière assez paisible ; mais en temps d’orage, à l’époque des grandes marées, ou simplement lorsque la mer est houleuse et un peu démontée, la rencontre est quelquefois terrible. Les « couraux d’Oléron » atteignent alors la vitesse effrayante de 16 kilomètres à l’heure. Le heurt des vagues, les remous en entonnoirs, les brisans écumeux bouleversent à la fois le fond et la surface de la passe. L’étroit défilé couvert de brumes bouillonne comme un gouffre et fait entendre jusqu’à plus de 20 kilomètres un sourd mugissement. « Maumusson grogne, » dit-on alors, et on l’évite avec raison[1].

  1. Bouquet de la Grye, Pilote des Côtes de l’Ouest de la France, 1869.