Page:Revue des Deux Mondes - 1900 - tome 157.djvu/500

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

par Edmond Burke. Peu satisfait de l’état moral, social et politique du monde contemporain, le libéralisme de la fin du siècle précédent avait cru devoir chercher son idéal, non pas chez l’homme civilisé, mais chez l’homme de la nature, dont la vie simple et nomade était devenue un sujet d’idylle. La vogue était alors au Vendredi de Robinson Crusoé, et toute oppression des indigènes d’outre-mer causait une impression de lèse-humanité. C’est pourquoi les déistes, dans leurs Aborigines Societies, se posaient, sur le terrain politique, en protecteurs des naturels, tandis que les chrétiens, par leurs Missionary Societies, se donnaient, dans la sphère religieuse, comme leurs bienfaiteurs. Or, l’occupation du Cap leur offrait la première occasion favorable à la réalisation de leurs idées. Le Hottentot était bien ce véritable enfant de la nature dont ils faisaient leur idole, et par cela même le Boer, qui le tenait en esclavage, dut se présenter à leur imagination exaltée comme l’ennemi qualifié du genre humain.

Que cette opinion ne fût nullement fondée, c’est ce que les Anglais eux-mêmes confessent à présent. M. Theal nous apprend que « les aborigènes de l’Afrique du Sud sont des sauvages du type le plus dégradé, les plus répugnans à l’œil d’un Européen qu’il y ait en aucun lieu du monde, et dont à peine saurait-on décrire la paresse et la malpropreté. » Impitoyablement ils massacrèrent les Boschimans, pour être massacrés par eux à leur tour ; les uns et les autres restant exposés aux boucheries ininterrompues des Bantous. Comme ils étaient en très petit nombre au milieu de ces tribus sauvages, les Boers avaient été forcés de prendre des mesures efficaces pour veiller à la sécurité de leurs familles, et avaient introduit un système d’esclavage, imité, il est vrai, du système suivi par les Anglais dans leurs colonies d’Amérique, mais très adouci. « L’opinion de tous les gens capables de s’en former une s’accorde à reconnaître que nulle part l’esclavage n’est moins lourd[1]. » « Au temps de leur affranchissement, écrit M. Froude, il n’y avait pas d’esclaves qui eussent moins à se plaindre que ceux des Hollandais du Cap[2]. » Et le capitaine Percival lui-même, le grand calomniateur des Boers, écrivait en 1804 : « Il faut reconnaître qu’en général les esclaves sont humainement traités (well treated)[3]. » A Londres, néanmoins, on

  1. Theal, p. 1, 4, 181.
  2. P. 11.
  3. P. 283.