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de stabilité. L’administration financière laisse à désirer. Les rapports entre le pouvoir législatif et le pouvoir judiciaire donnent lieu à des observations qu’on ne saurait qualifier d’imaginaires. Mais il faut être juste ! Est-ce que jamais gouvernement s’est trouvé devant la lourde tâche d’organiser tout un pays dans des conditions aussi difficiles ? Depuis la convention de Londres, il ne s’est pas écoulé plus de quinze années sans que la paix fût interrompue. Au nombre de moins de 100 000, les Boers étaient dispersés sur une superficie bien plus étendue que celle de l’Italie entière. Ils avaient sur le dos une population indigène cinq fois plus nombreuse. L’éducation académique, la préparation théorique leur manquait. Le gouverneur du Cap les harcelait de ses récriminations incessantes. Ils avaient en même temps à administrer le protectorat du Swaziland. Et, pour comble, la découverte des mines d’or et l’affluence accablante d’une émigration cosmopolite désarticulaient toute leur machine gouvernementale. Tout se trouvait à régler à la fois : le service des chemins de fer, du télégraphe, de la défense nationale, des mines, de l’éducation ; et, pour accomplir cette tâche immense, le président Krüger ne pouvait appeler à son aide que quelques rares capacités. Voyez cependant par l’exemple de l’Etat libre ce que les Boers savent faire quand on les laisse tranquilles et qu’on n’entrave pas leur développement. A Bloemfontein, les établissemens d’instruction supérieure l’emportent déjà sur ceux du Cap. De même, les Boers n’ont-ils pas fait preuve d’un esprit éminemment organisateur dans la fondation éphémère de ces petites républiques de Humpata, de Stella, de Gozen et de Vryheid ? Et que reproche-t-on enfin au Transvaal ? De ne pas avoir une constitution arrêtée en un texte rigide ? Mais l’Angleterre n’en a jamais eu, et ne songe pas à s’en donner une. La toute-puissance du Volksraad ? Mais le Parlement anglais, qui, si la Couronne n’interpose pas son veto, n’est lié par aucun pouvoir supérieur, se glorifie de son omnipotence. On crie à l’infamie parce que le premier juge de la cour supérieure a été déposé ? Mais aux Etats-Unis, en 1839, le président Johnson tourna la difficulté en portant à neuf les membres de la Cour suprême, et en se procurant de la sorte une majorité complaisante[1]. Et c’était bien « sauver la face ; » mais quant au résultat ? Le gouvernement des Boers serait une oligarchie ?

  1. Bryce. The American Commonwealth, I, p. 367.