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quelconque pour contraindre un autre État à naturaliser ses sujets est ou contre nature, ou bien un pur contresens.


VIII

La question de la suzeraineté se résout d’elle-même. La suzeraineté peut être une « relation organique » ou bien une « relation mécanique. » Organique, elle relève de la féodalité ; mécanique, elle est stipulée par contrat. L’État-lige se trouve en une condition d’infériorité et de vassalité par principe ; l’État lié par contrat se trouve en une condition de parfaite indépendance et d’égalité, sauf les entraves que le contrat lui impose. Donc, pour l’État-lige, qui est dans la mouvance de son seigneur, tout est dans le nom de suzeraineté, cette suzeraineté étant la source intarissable de sa sujétion ; pour l’État lié par contrat, le nom ne dit rien, et peut être omis, l’unique source de sa dépendance se trouvant dans les stipulations du traité.

Cette distinction faite, rien n’est plus facile que de démontrer que la suzeraineté mentionnée dans la convention de 1881 est d’ordre mécanique, et n’a rien à faire ni avec la vassalité ni avec le principe de féodalité. Dans sa dépêche du 31 mars 1881, lord Kimberley l’a reconnu en ces termes : « Le mot a été choisi comme le plus convenable pour désigner une supériorité exercée sur un État qui possède des droits de gouvernement indépendans, mais sujets à des réserves (ou à des restrictions) par rapport à certaines matières bien spécifiées ; » et, le 19 octobre, M. Chamberlain déclarait : « Personne, assurément, n’a jamais soutenu que la suzeraineté fut autre chose que ce qui est défini par les articles de la convention… La définition de lord Kimberley est celle que nous avons toujours acceptée[1]. » Ainsi, il ne s’agit que d’une suzeraineté reposant exclusivement sur les stipulations de la convention. Quant au nom de suzeraineté, sir Alfred Milner avouait que c’était « une question d’étymologie plutôt que de politique[2], » et M. Chamberlain, dans son discours du 19 octobre, est allé plus loin encore en disant : « Quel que soit le mot que vous préfériez, je m’en soucie comme d’une guigne ; dites

  1. « Surely no one has ever argued thaï suzerainty was otherwise, than defined by the articles of the Convention… Lord Kimberley’s definition is the definition we always accepted. » — Acts of Parliament, p. 278.
  2. Livre Bleu, c. 950, 7. p. 6.