plus grand embarras à préserver leurs chevaux des maladies du pays et à trouver de quoi les nourrir. Les tacticiens, même les plus audacieux, avouent qu’il y a des distances et des forces élémentaires qui délient toute force humaine. Napoléon en a fait l’expérience en Russie, et, même après la prise de Pretoria, le Vaal pourrait devenir pour le général Roberts ce que la Bérésina a été pour le victorieux Empereur. Souvenez-vous bien des énergiques paroles de M. Krüger : « Quand on réussira à nous terrasser, le monde sera étonné du sang humain qu’il en aura coûté. »
Du reste, l’armée des Anglais est encore à former. Leurs meilleurs régimens sont déjà usés. Ce qu’ils transportent à présent n’a qu’une valeur militaire bien inférieure, et, une fois la conquête achevée, il leur faudra une armée d’occupation qui dépassera de beaucoup les forces dont ils disposent actuellement. Jusqu’ici, selon le principe de Cromwell, le programme de l’Angleterre a toujours été la plus grande flotte et la plus petite armée qui suffise à cette lourde tâche ; il lui faudra donc changer de système, et alors la politique intérieure se trouverait mise on cause. Dès maintenant, il s’élève, entre les électeurs, des divergences d’opinion bien tranchées. La vieille garde de M. Gladstone ne désarme pas ; les Irlandais sont en opposition ouverte ; les sympathies du pays de Galles sont très douteuses ; bientôt l’énormité des dépenses effrayera les petits bourgeois, et lorsque à tout cela viendra se joindre l’aversion profonde de tout Anglais pour le service obligatoire, la majorité ministérielle pourrait très vite s’éparpiller. La popularité de M. Chamberlain pourrait très bien s’éclipser.
Ajoutez encore les dangers des complications extérieures, qui sont loin d’être chimériques, et qui obligent l’Angleterre à poursuivre à l’infini l’augmentation de sa flotte pour ne pas être à la merci d’une combinaison des flottes continentales. La France, réveillée par la triste affaire de Fachoda, remplit ses chantiers de constructions nouvelles, de plus en plus persuadée qu’une direction politique, qui la mettrait définitivement à la discrétion de l’Angleterre, finirait dans une banqueroute nationale. La Russie double sa flotte. L’Allemagne va tripler la sienne. Les sympathies de l’Italie ont été froissées en Chine. En Amérique, la chute de M. Mac Kinley et l’avènement de M. Bryan feraient s’effondrer tout l’échafaudage de l’alliance anglo-saxonne. Est-ce qu’alors, dépourvue de tout ami et de tout allié, réduite à