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La lutte est ouverte, d’ailleurs, pour cette marchandise comme pour toutes autres, entre les produits du monde entier : ainsi les « paillassons » anglais, un moment en faveur, ont été « tués » par les tresses de Chine et du Japon ; ainsi encore la paille, dans son ensemble, a peine à se défendre contre les copeaux de bois, les feuillages, les fibres d’arbustes ou de légumes, dont l’ingéniosité contemporaine tire sans cesse de nouveaux élémens de chapeaux. Vers 1840, naissait, à Strasbourg et dans la Lorraine allemande, le chapeau de latania ou palmier, « yarey, » dont la matière première venait de Cuba. Plus tard apparut le « panama, » originaire de la république de l’Equateur, où il était fabriqué avec la feuille du bombo-naxa.

Léger, d’un porter agréable et d’une apparence bien plus belle qu’aucun de ses similaires de l’époque, la vogue lui fut aussitôt acquise. Ce premier contact de la bourgeoisie française avec le nom de l’isthme qui devait plus tard lui coûter si cher fut d’ailleurs de peu de durée.


Chacun a son panama,
Moi, j’ai beaucoup d’peine à m’a-
coutumer au panama,


chantait un personnage comique dans un vaudeville de 1852. Le panama a reparu, comme chapeau, et a joué son rôle dans des scènes politiques toutes récentes et moins gaies. Mais ce n’était plus le vrai panama : le couvre-chef « nationaliste » qui lui empruntait ce nom provenait en général du bois de nos peupliers indigènes. De même les fibres découpées des saules que l’on cultive à Carpi, près de Modène, portent, on ne sait pourquoi, le nom de « paille de riz. »

La moitié des « chapeaux de paille » d’aujourd’hui sont des chapeaux de bois ou de sparte : le jonc commun de la Chine a fourni ces rustiques « yokos, » qui rentraient plutôt dans l’article vannerie. Mais leur aspect de paniers fut justement ce qui séduisit les femmes, jusqu’au moment où, les magasins de nouveautés en ayant inondé la place, lorsqu’on les vit affichés à 0 fr. 25, ils devinrent universellement odieux. Le chapeau dit « rotin, » originaire de Java, où d’ailleurs il se fabrique avec l’épiderme du bambou, eut, peu après, le même sort : depuis longtemps connu, son prix élevé l’empêchait de se répandre ; les marchands étant parvenus à l’offrir à meilleur marché, il fit fureur ; mais,